mercredi 11 juin 2014

Pour l’Europe


Le Front National ne correspond pas tout à fait à l’image que l’on donne de lui aujourd’hui. Il s’inscrit à l’intérieur d’une longue tradition du nationalisme français dont les maîtres furent jadis Maurras, Barrès. Ils étaient antisémites, ce qui a jeté sur celui-ci un voile de suspicion, en particulier, en considération du comportement de l’extrême droite française à l’occasion du dernier conflit mondial.

Il demeure chauvin, anti-européen et dans une certaine mesure voué à l’exclusion.

Cependant, l’évolution de l’Eglise catholique et la Repentance qui ressource celle-ci au tronc judaïque, devraient avoir sur lui une influence décisive. Il est aujourd’hui pro-israélien et anti-islamique.

Malgré les propos inconsidérés tenus par Jean-Marie Le Pen, celui-ci n’apparait pas authentiquement antisémite. En tout cas il demeure le garant de valeurs nationales. Il a sans doute la nostalgie de la monarchie. Il se veut gardien d’une mémoire française, de celle de l’Empire.

Si le vote des Français aujourd’hui s’est porté en majeure partie sur celui-ci, c’est moins en raison des valeurs qu’il défend que par un rejet de l’Europe telle qu’on la lui présente et de la gouvernance telle qu’elle est exercée.

Et d’abord de quelle Europe leur parle-t-on ?

Les règles à l’intérieur de celle-ci sont de plus en plus rigides. On assiste à une désertification des campagnes due à la prépondérance des sociétés multinationales que l’Europe devrait juguler et qu’elle ne fait que subir sinon accroitre.

Dans le plus petit village de France, le commerce a disparu au profit de la grande distribution. La jeunesse est contrainte de le quitter pour gagner la ville et grossir le prolétariat de masse.

Or, c’est ici précisément que l’Europe devrait agir pour sauvegarder le tissu social de base. Elle ne le fait pas. L’opinion perçoit qu’elle vend l’âme du pays au plus offrant, c’est-à-dire au capitalisme international

C’est là que le problème se pose, la préservation de l’âme de la France face à la consommation, qu’elle soit américaine, chinoise ou autre, et qui tend aujourd’hui à asservir l’univers.

Qu’est-ce que l’Europe ?

Contrairement à ce que l’on pense communément, elle ne coïncide pas avec la seule idéologie française, en particulier celle de la Révolution. L’Europe, ce sont avant tout des valeurs spirituelles.

Les Rois ont fait la France, ainsi que l’Eglise catholique. Napoléon l’a bien compris, qui, à peine la Révolution achevée, s’est empressé de signer le Concordat avec le Pape, comprenant que l’Eglise est un des fondements de la communauté française.

C’est pourquoi faire débuter l’histoire de la France avec celle de la Révolution comme le fait la gauche aujourd’hui est une erreur insigne.

L’histoire de la France a plus de 1000 ans, celle de l’Europe également. Les grandes batailles à l’intérieur de celles-ci ont été des batailles religieuses et spirituelles, celles entre les catholiques et les protestants, entre les catholiques et l’Islam.

L’Allemagne est protestante, la Grande Bretagne également, et aujourd’hui la France, avec sa laïcité, fait piètre figure face à ces pays demeurés religieux.

L’Europe est spirituelle, et le moindre paradoxe n’est-il pas qu’à Paris, ville des Lumières, tout ce qui est grand, de Notre Dame au Louvre, est religieux et royal ?

Ce qui nait avec la Révolution française, c’est la mégalomanie Napoléonienne, son génie et son despotisme et bientôt à sa suite la ruine et la désolation.

Que représentent les guerres de Louis XIV comparées à celles de la Révolution et de l’Empire, à celles de 1870, de 1914 et de 1940 ? Le peuple enfin souverain, à travers ses représentants, donne là toute sa mesure, le déferlement de l’horreur.

Il n’y a plus de nobles, certes, mais le bourgeois se montrera beaucoup plus sanguinaire. Il n’a plus que des intérêts économiques à défendre. Balzac sera le héraut de ce temps. Rimbaud quittera cette société de boutiquiers et Baudelaire en chantera les odeurs nauséabondes.

A partir du moment où on a tué le roi, symbole du Père et de l’autorité et ou on a tenté de tuer Dieu, on est entré en décadence. Nous sommes au terme de ce chemin, au point zéro de la mort de Dieu, au bout de la laïcité.

C’est cela la crise de l’Europe. Elle est avant tout la crise de la France

L’Allemagne, grâce au protestantisme, à l’instar des Etats Unis, conserve une relation à la religiosité. C’est celle-ci qui est à la base de son économie florissante.

Ainsi, en Europe, le grand clivage intervient entre les pays catholiques, les pays protestants et la France laïque.

Le seul espoir en France : les mouvements contre le mariage pour tous, gages sans doute d’une spiritualité renaissante.

Mais l’Europe est bien davantage que cela. Ici réside une des carences fondamentales des hommes politiques d’aujourd’hui. Aucun n’évoque ses sources intellectuelles et spirituelles.

L’Europe, c’est d’abord la Grèce, c’est-à-dire la beauté, l’art et la science. C’est également Rome et le sens de l’Etat. C’est aussi la chrétienté.

Face au marché américain, au communisme chinois et à l’empire russe renaissant, elle est d’abord le lieu de l’harmonie, celui de la beauté et peut être de la démocratie.

Ce que nous devons avant tout préserver, c’est le sens de l’Homme. C’est nous qui l’avons inventé en même temps que la dimension Tragique.

Le sens du Tragique ne peut se résumer à la préservation d’avantages sociaux. Il est avant tout celui de l’héroïsme, de la présence au monde, de la création au sens le plus élevé du terme

C’est celui qu’évoquent Nietzsche,  Camus. C’est celui que manifestent Mozart, Bach, tous ceux qui ont fait la grandeur de l’Europe, contre les asservissements du marché et contre ceux de l’Histoire.

Le dernier cataclysme a durement secoué l’Europe. De quoi s’est-il agi exactement ?

Le matérialisme marxiste a constitué à un certain moment un immense danger pour l’Europe, une menace contre la civilisation

Face à ce détournement d’une pensée d’origine  judaïque mêlée à l’hégélianisme, la seule opposition de même nature perverse s’est trouvée être le nazisme.

Deux pensées perverses, habilement travesties, se sont partagées l’Europe, l’une issue du judaïsme, l’autre prétendument issue de la Grèce.

L’Europe a trouvé en elle l’énergie de les combattre et de les vaincre, en alliance avec les Etats Unis et avec la Russie. Elle s’est redressée. Nous en sommes là.

En tout état de cause, l’Europe ne pourra se constituer qu’autour de valeurs spirituelles. Elle devra se dire catholique, protestante, juive, laïque. Elle devra se dire plurielle. Elle ne pourra triompher que par sa Culture.

Et certes, les impératifs économiques sont importants. La France doit se libéraliser, renoncer à son sectarisme bureaucratique et si elle veut conserver ses acquis sociaux, elle ne pourra le faire qu’à travers une paradoxale flexibilité.

Mais la vraie réforme est celle de l’Esprit. L’Europe doit revenir à ses sources grecques, romaines, chrétiennes. Elle doit retrouver le sens du Sacré.

Ce qui est dangereux aujourd’hui c’est l’absence totale de référence à ces valeurs. Jacques Chirac refusait que la Constitution européenne ne porte la trace de ses origines chrétiennes.

Jean Marc Ayrault récemment évoquait « l’absence de spiritualité en France », comme une exigence politique.

Cependant comme le disait admirablement Monseigneur André XXIII récemment : « L’Europe n’a pas besoin de se dire chrétienne. Elle l’est ». 

Quant à la démocratie, elle est un idéal, celui de la mesure, la foi en la collaboration des classes. Elle est née à Athènes sous Périclès et excluait à ce moment les femmes, les esclaves et les métèques.

Elle a fait long feu à partir du moment où cet équilibre n’a pu être sauvegardé, ou Athènes n’a pas su établir la paix entre les Cités.

De la même manière, à chaque fois que les contradictions à l’intérieur de la France sont trop fortes, que l’équilibre entre la droite et la gauche se détériore, la menace d’un régime autoritaire apparait sous l’égide du Front National

Celui-ci met le doigt en fait sur la mort du Roi, sur le Parricide et sur le déficit symbolique qui en résulte, sur le problème du père et de l’autorité.

Il met le doigt sur notre blessure.

En 1793, nous avons abattu la royauté et tenté de tuer Dieu. Depuis ce temps nous essayons désespérément de reconstituer l’image du Père à travers une succession de régimes depuis celui de Bonaparte jusqu'à la 4ème République qui a sans doute été le régime le plus impérialiste de la France et qui a créé notre empire.

La France vit ainsi, supportée par des béquilles, avec la gauche qui revendique l’héritage de la Révolution et avec la droite qui intègre davantage la mémoire royale et religieuse de la France

A chaque fois que cet équilibre est rompu, le parti national gagne du terrain. Il est le refuge des mécontents, des nostalgiques, des revanchards.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les idéaux de la gauche, c’est-à-dire ceux de la Révolution française, la laïcité, les Droits de l’Homme, l’égalitarisme sont proches de ceux du Front National. Tous deux sont les adversaires de l’universalisme, du cosmopolitisme, du libre-échange, tous deux sont les adversaires du libéralisme. Tous deux sont des nationalismes et le national-socialisme est l’expression même de leur alliance.

Si la France entend sauvegarder ses valeurs, il faut qu’elle retrouve un équilibre entre ces deux grandes formations, la gauche et la droite.

Il faut que la droite revienne à ses sources spirituelles et sauvegarde l’héritage religieux de la France, sa mémoire.

Il faut que la gauche expulse ses tentations marxistes, sectaires et bureaucratiques

La France doit retrouver à l’intérieur de l’Europe sa vraie vocation qui est de préserver la mesure, les valeurs spirituelles venues de la Grèce, de Rome et de la chrétienté, la dimension tragique.

Telle est sa vocation. Elle ne doit céder en rien aux appels de la tentation autoritaire, de quelque côté qu’elle vienne, du matérialisme historique ou du nationalisme chauvin.

Napoléon, Charlemagne, Charles Quint, tous ont vécu dans la nostalgie de l’Empire romain et tous ont tenté de reconstruire celui et de bâtir en même temps l’Europe.

Celle-ci est moins un empire territorial qu’une création de l’esprit. Si nous voulons la protéger contre les tentations autoritaires de tous les bords, il faut d’abord la reconstruire sur la base de la tolérance et faire à l’intérieur de celle-ci l’unité entre ces différents héritages spirituels. Nous devons unir Athènes, Rome et Jérusalem et être inébranlable sur cette foi.

Quant au problème de l’immigration, il y a deux facteurs essentiels qu’il convient de considérer. D’abord il est normal que l’on souhaite pénétrer à l’intérieur de l’union européenne. Elle est un Eldorado pour beaucoup d’immigrés. Nous devons en être fiers.

Par ailleurs nos sociétés sont vieillissantes, nous avons besoin de cet apport plus jeune et plus dynamique. Mais le véritable problème est celui de notre identité.

De même que les USA ont pu intégrer de nombreux immigrés parce que leur structure de base était la religion protestante alliée aux Lumières, nous devons nous même opposer à l’immigration une identité forte et précise. Nous devons savoir d’abord qui nous sommes et affronter celle-ci à l’aide d’une véritable identité européenne basée avant tout sur des valeurs spirituelles.

L’identité française actuelle, la laïcité est insuffisante pour faire front à ce problème. La citoyenneté française est un leurre telle que conçue aujourd’hui. Ses principes sont les mêmes que ceux qui ont été incapables de juguler en 1940 « les extrémismes de notre temps ». Cette identité s’est effondrée devant Hitler et Staline.

Aujourd’hui notre identité est négative. Elle est un déni. Elle est un non être.

Seule une identité européenne puissante peut relever le défi.

Edouard VALDMAN

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