mardi 23 septembre 2025

Nouvelles Réflexions sur la Peine Capitale à propos d’un livre de Robert Badinter « L’Abolition »

 


 

 Nouvelles Réflexions sur la Peine Capitale 

        

A propos d’un livre de Robert Badinter « L’Abolition »

 

Une querelle se fait jour régulièrement entre les social démocraties européennes qui ont aboli la peine de mort et les Etats Unis qui ont conservé cette pratique. Ces derniers sont qualifiés de barbares par les abolitionnistes européens dont la référence primordiale est 1981 et l’abolition de la peine de mort par le gouvernement socialiste.

Le problème n’est pas suffisamment explicité.

Comme le disaient très justement Albert Camus et Arthur Koestler  (Réflexions sur la peine capitale), une société laïque qui ne se réfère plus à aucune transcendance ne peut en aucun cas continuer à prononcer la peine capitale. S’il n’y a plus de Sacré, sur quelles bases le tribunal prononcerait-il une telle peine qui a référence à un absolu de la dignité humaine ?

Il n’en va de même dans les pays anglo-saxons. Ici, Dieu ni le Roi ne sont morts sous les coups de la Révolution. La Loi, Dieu et le Père, dimensions incontournables de la conscience humaine, ont été intégrées. Tant il est vrai que la transcendance est irréductible. Elles n’ont été ni détruites ni niées. Celle ci est toujours la référence de l’état anglo-saxon, et la Reine d’Angleterre, comme le Président des Etats Unis prêtent serment sur la Bible. C’est la raison pour laquelle cette société prétend s’autoriser à prononcer des condamnations à la peine de mort, car pour elle, la vie est toujours sacrée.

Il est d’ailleurs étonnant de constater que ce sont dans des sociétés comme la France, régies par les Droits de l’Homme (fondés sur la mort de Dieu), que les condamnations à la peine de mort jusqu’en 1981 étaient sans appel, comme l’étaient il y a quelques mois encore, celles à la réclusion criminelle à perpétuité (en fait la toute puissance du pouvoir royal s’était transformée en toute puissance du jury populaire. On était toujours dans l’absolutisme). La législation vient de changer sur ce point : réforme essentielle, réalisée sous l’influence du droit anglo-saxon. L’appel des arrêts de la Cour d’Assises vient d’être instauré.

Il faut également faire remarquer que ce sont dans les sociétés régies par les Droits de l’Homme telles que la France, que les conditions de  détention sont les plus sordides, et qu’elles sont régulièrement dénoncées, tel le dernier témoignage accablant du médecin chef de la Santé.

En fait, le système judiciaire américain et le système judiciaire français sont radicalement différents. L’un est accusatoire et l’autre est inquisitoire. C’est pourquoi évoquer le problème de la peine de mort dans l’un et l’autre système, sans nommer la différence de leur fondement, ne peut que créer une grave confusion.

La Réforme protestante est sans doute la grande révolution intellectuelle et spirituelle de l’Europe, au 17eme siècle. C’est elle qui institue la présomption d’innocence, et l’Habeas Corpus en Angleterre, est le véritable acte fondateur de la démocratie.

La Réforme casse en effet la médiation de l’Eglise catholique dans la relation que l’homme européen entretient avec Dieu. Désormais, il peut s’entretenir avec Lui seul à seul. C’est une immense avancée dans l’aventure de la liberté. En fait, la Réforme instaure une nouvelle relation de l’homme européen avec le Père et avec la Loi.

C’est ici que naît la libre entreprise, le libre échange. C’est dans cette liberté que se situe l’origine de la puissance actuelle des pays anglo-saxons.

Sur le plan judiciaire plus précisément, c’est le système accusatoire qui s’instaure. L’homme est présumé innocent. Il n’y a pas de Ministère Public, et dans le procès, au Tribunal, la partie civile se situe  au même niveau que la défense.

Changement radical qui trouve son origine dans la CENE, tel que désormais l’aborde l’Eglise Réformée. Celle ci ne se célèbre plus sur un autel, mais sur une table de bois autour de laquelle tous les hommes viennent démocratiquement se réunir.

.             La France ayant été incapable d’intégrer la Réforme, Louis XIV y ayant discerné une menace contre son absolutisme, c’est la Révolution qui est venue prétendre non pas créer une nouvelle relation avec la Loi et avec le Père, mais abolir ceux ci. C’est ce système pervers qui a engendré les extrémismes par la grâce du refoulé, une égalité réductrice au lieu d’une différence féconde, et un authentique impérialisme des Droits de l’Homme.

La laïcité n’est jamais qu’une inversion du catholicisme culpabilisant. La pensée de Jean Jacques Rousseau est avant tout normative.

Ce qui le démontre, c’est le système judiciaire, qui comme sous l’ancien régime est demeuré inquisitoire. Jusqu'à ce jour ou le principe de la présomption d’innocence vient d’être voté en France, trois siècles après la Réforme en Angleterre et en Allemagne, sous l’influence de la Commission européenne, l’homme était toujours présumé coupable.

Aujourd’hui en France, l’organisation judiciaire qui date de Bonaparte, avec un Etat tout puissant, autoritaire, dans la droite ligne de la monarchie française entre en conflit avec ces nouveaux principes qui s’inscrivent dans une tradition radicalement autre.

Telles sont les contradictions auxquelles est confronté le système français. Telle est l’origine des mouvements qui se font jour aujourd’hui, dans le monde judiciaire. Un juge d’instruction tout puissant, créé par Bonaparte, à l’instar des préfets, voit ses pouvoirs diminuer, sous l’influence d’une législation étrangère, alors que la réforme de l’Etat n’est toujours pas accomplie.

Malgré ce que pensent les défenseurs de l’abolition de la peine de mort, le progrès ne va forcément pas dans leur sens. La société américaine est si puissante aujourd’hui, parce que ainsi que les autres pays anglo-saxons, elle est toujours fondée sur une transcendance et a intégré une relation plus libérée avec le Père.

On peut se demander d’ailleurs dans quelle mesure les événements de Mai 68 dont on discerne aujourd’hui avec moins de passion la signification profonde , n’ont pas constitué au sein de la nation française la Réforme qu’elle a été incapable d’intégrer il y a trois siècles. Incontestablement, ceux-ci ont revendiqué et sans doute créé une relation nouvelle avec le Père.

La transcendance deviendra de plus en plus nécessaire pour refonder des sociétés en continuelle perte de valeurs. Les sociétés anglo-saxonnes ont conservé pour nous des valeurs fondamentales, que la révolution intellectuelle et spirituelle qu’elles ont effectuées au 17eme siècle leur ont seules permis de fonder.

Les barbares ne sont pas ceux que l’on pense . C’est sous le régime des droits de l’homme qu’ont eu lieu la Terreur, les hécatombes napoléoniennes, et c’est dans des sociétés désacralisées que sont advenues les grands cataclysmes de notre temps. C’est au nom de l’impérialisme des droits de l’homme, que s’est réalisé le colonialisme.

Le véritable clivage se situe entre ceux qui pensent qu’une société doit se fonder sur des idéaux laïques et ceux qui pensent que seule une transcendance peut la justifier. L’expérience et le pratique, ainsi que les progrès de l’histoire ne semblent pas donner raison aux premiers.

Il y a une responsabilité de l’homme devant le crime. Le problème du mal ne peut pas être seulement appréhendé par les analyses sociales, politiques ou psychanalytiques. Le mal existe. Il doit être sanctionné. La peine de mort est une réponse à la liberté absolue de l’homme devant son crime.

Priver l’homme de cette condamnation, c’est lui dénier le caractère absolu de sa liberté.

La pensée de Robert Badinter comporte deux faiblesses : La première c’est de ne considérer avant tout l’intérêt du criminel. Il s’intéresse assez  peu aux intérêts de la victime.

Surtout, Robert Badinter, comme beaucoup de juifs dits laïcs (il a lui même à de nombreuses reprises signé des articles dans la presse en temps que juif), se croit obligé d’être fidèle aux idéaux de la Révolution Française qui ont ouvert aux juifs les portes de la citoyenneté « LIBRES ET EGAUX ». Or il semble ne pas discerner que ces mêmes idéaux conduisent à une égalité réductrice qui en fin de compte est porteuse de la négation de la différence.

C’est cette réalité, au sein de la société des Droits de l’Homme à  laquelle a été confronté Herzl au moment de l’affaire Dreyfus, et qui lui a révélé la nécessité de créer un état juif.

C’est autour de cet  état qu’au delà des notions réductrices de l’Egalité se restructure une authentique Différence et une relation nouvelle avec le Saint.

En Israël, la peine de mort est exceptionnelle. Comme aux Etats Unis, son principe est maintenu.

Les Lumières, la Révolution, et l’Idéologie des Droits de l’Homme, ne sont plus suffisantes, pour soutenir des prétentions que l’Histoire vient chaque jour bafouer et que l’avenir proche viendra sans aucun doute contredire.

C’est en tout état de cause, une nouvelle relation avec la Loi, avec Dieu et avec le Père, que la France devra instaurer, une nouvelle relation avec la Différence, face aux inéluctables avancées de l’Europe, et à l’influence décisive du Droit anglo-saxon.

 

Edouard VALDMAN                                                                    

Ecrivain

                                                   

 

 

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