Le fait que François Fillon ait
employé son épouse comme assistante parlementaire de manière partielle ou à
plein temps n’est pas à mon sens très important. Il est évident que lorsqu’un
couple travaille ensemble dans le domaine du parlementarisme, le député ou le
ministre ne va pas mesurer les heures et les minutes comme le ferait un patron
normal avec sa subordonnée. Que l’on ait vu Madame Fillon au Palais Bourbon ou
non, ceci n’est pas convainquant. Celle-ci pouvait tout à fait exercer ses
fonctions discrètement, sans être remarquée.
Par ailleurs, comme François
Fillon l’a très bien expliqué, ces fonctions peuvent être prises au sens large.
Madame Fillon a aidé son mari, l’a conseillé et étant donnée la carrière de
celui-ci au plus haut niveau, il est normal qu’elle ait été bien rémunérée. Quant
aux notes de lecture pour la Revue des deux Mondes, libre à celle-ci de l’avoir
honorée comme elle l’entendait. Etant la femme d’un Premier ministre, elle
devait en principe avoir une certaine compétence, en tout cas une expertise
très sérieuse.
La vraie question est ailleurs.
Elle réside dans le fait qu’à aucun moment depuis que cette affaire a éclaté,
François Fillon ni aucun de ses partisans, hommes politiques ou intellectuels
n’aient mis en cause le système français de la délation, qui démontre par
ailleurs très clairement que la justice en France n’est pas indépendante.
Qu’une instruction judiciaire
contre un candidat à la Présidence de la République soit ouverte par le Parquet,
trois mois avant cette élection, à partir des informations d’un journal
satirique, démontre à quel point la justice française est asservie au pouvoir
politique.
Comme Hollande l’a fait tout au
long de son mandat contre Nicolas Sarkozy, pour le disqualifier, en faisant
ouvrir par le Parquet des informations sans aucun fondement, qui ont conduit la
plus part du temps a un non-lieu, de la même manière celui-ci même s’il ne se représente
pas, continue à nuire, sans aucun doute.
La justice française est aujourd’hui
totalement entre les mains du pouvoir politique de gauche. Elle le sera sans
doute demain entre les mains du pouvoir politique de droite.
Pour comprendre véritablement à
quel point cette dernière est asservie au politique, il convient de faire un peu
d’histoire.
Sous la monarchie, la justice
était rendue par les Parlements eux-mêmes en relation avec le Roi, même si les
conflits entre les deux autorités étaient fréquents. En tout cas, la procédure depuis
l’origine était inquisitoire, c’est-à-dire, comme son nom l’indique qu’elle se
trouvait sous l’autorité de l’Eglise. Tout était basé sur l’aveu. Il n’y avait
pas de présomption d’innocence. L’homme était présumé coupable.
C’est ce qui différencie
définitivement la procédure anglaise qui avait institué l’Habeas Corpus et la
présomption d’innocence, les authentiques actes de naissance de la démocratie
en Occident. La procédure y était accusatoire. Le présumé coupable se trouvait placé
sur le même plan que l’accusation.
Paradoxalement, la Révolution
française n’a en rien modifié les structures autoritaires de la monarchie. Elle
les a même renforcées. L’Empire les a encore consolidées. Le Tribunal
révolutionnaire de 1793 prononce des condamnations sans appel et pendant deux
siècles, la Cour d’assises, dans son prolongement, fera de même. Elle infligera
des peines infamantes telles la réclusion criminelle à perpétuité ou la peine
de mort, sans qu’il y ait le moindre recours.
Le principe britannique de la
présomption d’innocence et des appels des arrêts de la Cour d’assises n’a été
voté en France qu’en 2003 sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Cependant la procédure
inquisitoire n’a toujours pas été abrogée. L’autorité politique a tous pouvoirs
sur la justice. Le Président de la République nomme le Premier ministre qui
nomme lui-même le ministre de la justice.
Tel est le lien qu’il s’agit de rompre,
le cordon ombilical qu’il convient de couper. Il faut que le Conseil Supérieur
de la Magistrature devienne totalement indépendant du pouvoir judiciaire, qu’il
soit élu, que ce soit lui qui nomme les magistrats.
Une autre réforme essentielle consisterait
en la suppression des tribunaux administratifs chargés des litiges entre le
citoyen et l’administration, qui jamais ne se prononcent contre l’état. Il faut
désormais que l’administration réponde de ses actes devant les tribunaux civils,
comme tout un chacun.
Telle serait une authentique
réforme de la justice.
Le véritable totalitarisme se
trouve ici, dans cette autorité que le politique possède sur le judiciaire.
Sans doute les français ne le savent-ils pas ou ne veulent-ils pas le savoir.
Cette mainmise du pouvoir politique sur la justice, c’est cela l’arbitraire et
la pensée unique.
Nous sommes régulièrement
condamnés par la Commission Européenne des Droits de l’Homme et cet arbitraire
du pouvoir politique montré du doigt.
La condition déplorable des
prisons en France et l’incapacité qu’ont montré tous les systèmes politiques
pour résoudre cette question résulte directement, de la même manière, de notre
système politique autoritaire.
Or, pas un seul des candidats à
la Présidence de la République ne préconise cette réforme. Rien pourtant ne
peut advenir, sans que la justice soit indépendante.
Dans les propositions de son
programme en matière de justice, François Fillon n’avance que très prudemment. Les
magistrats du Parquet continueraient à être nommés, sur proposition du
Gouvernement, avec avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).
Il est bien précisé dans ce
projet de réforme du CSM que la rupture du lien entre le Pouvoir politique et
le Parquet n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est le rétablissement de la
confiance, plutôt que « l’élargissement de la défiance en assurant une
indépendance du CSM en même temps qu’une neutralité politique ».
Aujourd’hui où sa mise en examen
est annoncée, ce serait le moment où jamais pour François Fillon de démontrer
la collusion entre le Parquet et le Pouvoir, et d’annoncer la rupture du lien
entre ceux-ci.
Le problème n’est pas que le
Parquet financier soit contre lui ou pas. Il l’est nécessairement s’il dépend
du pouvoir politique et si celui-ci est à gauche.
C’est cette rupture essentielle qu’il
lui convient de réaliser. Il est évident que s’il n’y avait pas eu le Pénelope
gate, Hollande aurait trouvé autre chose. Nous sommes désormais dans un état
policier.
J’ai vu que l’avocat qui préside
aux destinées du Conseil National du Barreau Français défendait les magistrats.
Le malheureux n’a rien compris.
Nicolas Sarkozy avait un moment
préconisé une réforme de la justice qui eut rapproché celle-ci du modèle anglo-saxon
avec notamment la suppression du juge d’instruction. Ses adversaires ne s’y
sont pas trompés, qui se sont jetés sur lui comme des hyènes. Il touchait au
principe sacrosaint de l’inquisition et de la monarchie française, par ailleurs
repris par la Révolution.
François Fillon, à ce jour, ne fait
rien de tout cela. S’il est élu, ce sera en raison du respect qu’il montre pour
les institutions. Les français lui en seront reconnaissants. Ils sauront en
même temps que rien ne devra changer.
Comme François Fillon le disait
si bien récemment « Il y a quelque chose de pourri dans la démocratie
française ».
Certes, mais la pourriture ne se
trouve peut-être pas là où l’on pense. Elle n’est pas dans la déclaration du
Canard Enchainé. Tout le monde connait ce journal qui est un organe de la
gauche bien-pensante et du parti communiste en particulier, qui reçoit par
ailleurs ses informations aussi bien de la droite que de la gauche. La
pourriture se trouverait plutôt dans le fait d’accepter cette mainmise du
pouvoir politique sur la justice, ce qui est une situation contre nature à
laquelle il faut mettre fin.
Les français n’attendent pas que
François Fillon fasse des déclarations d’amour à sa femme. Personne ne doute de
ses sentiments et la plupart s’en moquent. Ce qu’ils attendent c’est que
l’indépendance de la justice soit assurée et cela François Fillon n’en a pas
parlé.
PS : Aux dernières nouvelles
les avocats de François Fillon font confiance aux magistrats
« indépendants » de leur pays.
Edouard VALDMAN
Ancien Secrétaire de la
Conférence de Stage du Barreau de Paris
Ancien élève de l’Institut d’Etudes
Politiques de Paris
Ecrivain
Dernier livre paru « Demain, l’Occident ! »