C’est à la suite de deux guerres
mondiales que les Etats-Unis ont réussi à s’implanter en Europe.
La grande crise de 1929 a sonné
l’heure de son effondrement. Hitler a été le plus pur produit de celle-ci.
Ultérieurement, les Etats-Unis
sont devenus la première puissance impériale du monde.
Ils semblent avoir avec l’Europe
une relation privilégiée. Celle-ci, il est vrai, est à leur origine. Cela
n’enlève rien à leur manière d’agir. Encore récemment on a vu comment Joe Biden
a volé aux français l’affaire australienne. Il ne se s’est même pas excusé.
En fait, les Etats-Unis regardent
le monde comme un supermarché avec l’ambition d’y faire les affaires les plus
rentables.
La France et l’Allemagne gardent
une autonomie de façade mais on y parle anglais, on y mange américain et on est
friand des films d’Hollywood.
Les artistes français
contemporains ont une valeur moitié moindre que les artistes américains à part
peut-être Picasso et Nicolas de Staël, qui se sont imposés en Amérique avant la
deuxième guerre mondiale.
En ce qui concerne la Russie, les
Etats-Unis après l’effondrement du marxisme, croyaient la partie définitivement
close. Ils l’ont traitée avec beaucoup de désinvolture et même un certain
mépris.
On baignait dans la
mondialisation, une prophétie pervertie dans laquelle se dissolvaient les
différentes identités, tout cela sous couvert de progrès et de démocratie. Le
monde avait triomphé du mal. Fukuyama criait victoire.
Tout à coup Poutine surgit comme
un authentique cataclysme.
L’Iran, l’Iraq, la Syrie, tout
cela c’étaient des petites guerres. Elles se déroulaient loin de l’Europe, à la
périphérie.
Avec l’Ukraine on est au cœur de
l’Europe. Par ailleurs, la Russie est un grand peuple, et bien plus, elle est
une part de cette dernière.
Poutine, après avoir subi de
nombreuses humiliations, ne souhaite pas que son pays devienne une colonie
américaine. Or, sous le vocable de la liberté, l’Ukraine et autre partie de
l’empire traditionnel russe ont fait joujou avec lui, en flirtant avec les
Etats-Unis.
La Russie immémoriale, peut-elle
se permettre de perdre l’Ukraine, et autres peuples slaves ?
Envisage-t-elle de disparaitre et
d’installer à Kiev, son ancienne capitale spirituelle, un Mc Donald, ou autre
emblème du marché américain ?
Tel est le problème qui se pose
aujourd’hui.
Les Etats-Unis et l’Europe se
meuvent dans un contexte, judéo chrétien. Au-delà de leur violence, ils se
situent encore dans un monde gouverné par Dieu « In Good we trust ».
Même si la guerre triomphe, elle le fait au nom des « Droits de l’Homme ».
Avec Poutine, c’est le
retour de la toute-puissance de ce dernier, de l’au-delà du bien et du mal.
La Russie fait ressurgir le
Tragique au sens grec du terme, c’est-à-dire l’Homme Dieu, la volonté de
puissance, le culte du héros.
C’est Nietzsche contre la Bible.
Lors de la dernière conflagration
mondiale, c’est un même jeu qui s’est déployé. La Prophétie à ce moment-là
était représentée par le marxisme, le Tragique par Hitler. Il a fallu le
dernier conflit pour rétablir l’équilibre entre ces deux dimensions.
L’Europe a fait erreur en
s’engageant trop rapidement dans une confrontation avec la Russie. Il convenait
quelle fut un intermédiaire, un lieu d’échanges et de solutions à ce conflit.
Il eut fallu qu’elle jouat son
rôle d’ordre civilisationnel.
Le problème est qu’elle entend se
construire sur les Lumières et la pure Raison, en refusant d’assumer son
héritage religieux.
D’Athènes au christianisme,
l’Europe pourtant est un espace métaphysique, C’est cette dimension qui peut
lui permettre de s’élever au dessus des nations et de devenir un lieu de
conciliation. C’est celle-ci qui peut l’autoriser à tenir la guerre à distance
et de maintenir entre les Russes et les Ukrainiens, une passerelle d’un ordre autre.
C’est cette défaillance, qui
aujourd’hui engage la Commnauté européenne dans une très dangeurese
confrontation.
Qui pourrait aujourd’hui
constituer ce pont qu’elle s’est
refusée à être, imaginant qu’elle allait faire son unité au travers de ce
conflit.
Les sociétés, nations et
civilisations vivent et meurent à l’intérieur d’une Histoire qui repose
elle-même sur des structures stables.
La Grande Bretagne par exemple,
n’a pas eu le même destin que la France, qui n’a pas connu celui de l’Espagne,
qui n’a pas connu le même que la Suède. Ainsi des Etats-Unis eux-mêmes issus de
l’émigration des colons européens huguenots. Bien que séparés de la mère
patrie, ils sont demeurés des anglo-saxons « In Good we trust ».
Les russes appartiennent à un
autre ordre. Ce sont des slaves. Leur Histoire est autre. Elle est constituée
avant tout par la lutte contre les tartares et les mongols.
On voit bien aujourd’hui
qu’au-delà de la Révolution marxiste ils sont demeurés très attachés à une
certaine forme d’autorité.
Les chinois à leur tour qui ont
vécu durant 2000 ans dans l’Empire du Milieu, subissent aujourd’hui une
idéologie marxiste. Ils demeurent impénétrables. Bien que faisant partie du
Conseil de sécurité des Nations Unies, ils sont étrangers à l’idéologie occidentale.
En fait les idéologies recouvrent
des structures anciennes qui évoluent lentement.
La civilisation première risque
de se réveiller et de détruire la couche idéologique nouvelle.
C’est la raison pour laquelle
vouloir fragmenter la Russie est une démarche hasardeuse.
Certes l’Ukraine ou toute autre
part de celle-ci ont droit à un destin propre.
Cependant comment séparer Kiev de
la Russie alors qu’elle est sa première capitale spirituelle ?
C’est pourquoi la guerre qui se
livre aujourd’hui est contre nature.
Elle est dommageable pour tous,
sauf pour les Etats-Unis qui se sont toujours opposés à l’idée européenne et
voient dans ce conflit l’ultime moyen pour empêcher l’Europe de se faire.
N’oublions pas enfin que nous
sommes imprégnés de culture russe et que la Russie est part de notre héritage
culturel et spirituel. Non seulement on ne peut pas séparer l’Ukraine de la
Russie mais on ne peut pas séparer la Russie de l’Europe.
Dans un livre publié en 2017
« Le IIIème Temple », j’ai tenté de montrer que l’équilibre en
Occident devait être trouvé dans l’union de trois puissances, le bloc américain
d’abord, le bloc européen ensuite, le bloc russe enfin.
Ce dernier bloc est d’autant plus
important que la Chine tente de le séduire et de l’attirer hors de l’Occident.
Or ce bloc est partie de notre Histoire. Le Général de Gaulle disait,
« l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ! ».
Nous avons baigné dans la culture
russe. Nous avons été imprégnés par sa littérature, que ce soit Tolstoï,
Tourgueniev, Dostoïevski, les Ballets Russes et Diaghilev, l’Hermitage.
Les bonnes âmes longtemps favorables à l’Union
Soviétique voyaient bien que cela ne marchait pas mais personne ne s’attendait
à ce qu’elle s’effondre aussi rapidement. Ce fut vraiment le dégel, comme un
monde qui soudain s’écroulait, une montagne qui s’affaissait. Le monde du
matérialisme historique avait duré cinquante ans, moins que ne l’avaient espéré
les tenants de l’orthodoxie marxiste, que ce soient Althusser, Sartre ou
Aragon, tous ceux qui imaginaient la pensée marxiste incontournable, en fait la
majorité des intellectuels français.
Après l’effondrement de l’URSS,
Poutine a cherché à reconstruire la Russie. On ne l’a pas aidé. Pourtant,
décision notoire, il a réintroduit l’Eglise orthodoxe dans le monde russe,
église qui avait été chassée par les soviets.
Ce changement était
spectaculaire. Il était un signe. Poutine a été contraint de se tourner vers la
Chine.
Et voilà qu’un homme reconstruit l’Empire. On espérait
qu’il demeurerait dans les ruines. C’était l’intérêt de l’Occident et des
Américains en particulier. Poutine rebâtit la Russie. Bien plus, il y intègre
le religieux, l’orthodoxie, à la grande surprise des Occidentaux et surtout à
la face des tenants de la laïcité. Quoi qu’il en soit, l’Occident engage immédiatement les
hostilités au lieu de se concilier Poutine, européeen, chef d’une communauté, qui fut notre alliée lors de la
dernière guerre mondiale. On l’isole et on l’oblige à se tourner vers la Chine ou d’autres pays du Tiers
Monde. Manœuvre diplomatique erronée et absurde des États-Unis et de la France.
Il ne faut pas oublier que c’est nous qui avons
importé en
Russie l’horreur stalinienne. C’est nous
qui avons fait de celle-ci l’Union soviétique. En effet la pensée marxiste est
une pensée occidentale. Elle est née en Allemagne et Marx pensait lui-même que c’est dans ce pays que la révolution se produirait. Ce
sont les Lumières et Jean-Jacques Rousseau qui sont à l’origine du stalinisme
de même qu’elles ont enfanté le maoïsme. Tous deux
sont l’œuvre de notre rationalité, mêlée au messianisme rousseauiste.
Dans la cathédrale Notre Dame récemment à Paris des Femen, se sont livrées à la violation de l’espace sacré. Il n’y eut aucune poursuite. Au contraire elles se sont retrouvées
en effigie sur les nouveaux timbres : elles figurent désormais Marianne.
Vladimir Poutine a été confronté récemment au même
problème. Les Pussy riots ont violé l’espace
sacré d’une église russe. Elles ont fini en prison et ont été condamnées. En Tchétchénie, Poutine s’est montré inflexible. Il a
fait la guerre au terrorisme. Ce pays risquait de faire sécession profitant de
la faiblesse de la Russie renaissante. Les bonnes âmes se sont émues et comme
nécessairement il a été traité d’assassin par des intellectuels français.
Poutine est conséquent. Il n’a aucune indulgence envers le terrorisme. Il nomme
les différences. Il croit qu’il y a des codes, des traditions, une normalité.
Poutine tente de refonder la Russie sur ses valeurs
immémoriales.
Les jeux olympiques de Sotchi ont été
pour lui une exceptionnelle opportunité, lui permettant de faire connaitre au
monde sa volonté de rebâtir son pays. Le spectacle qu’il a donné,
particulièrement somptueux, à l’occasion de ces jeux, a accru son influence
dans le monde, et attiré en même temps l’envie. Il a par-là même annoncé le retour de la Russie sur l’échiquier mondial, en
exposant à côté du sport les valeurs russes, la danse, la musique, la grande
littérature.
Le fait de dévoiler au monde le visage de Soljenitsyne
aux côtés de celui de Dostoïevski et de Tolstoï a été un très grand moment de télévision mondiale, et
surtout un signe très important de la volonté de bâtir désormais une Russie plus tolérante.
Le succès russe aux jeux de Sotchi en ont été un autre.
L’Europe en mal de formation, ainsi que les États-Unis
ont profité de ces jeux de Sotchi pour tenter de déstabiliser l’Ukraine.
L’Occident craint le retour en force de la Russie sur la scène mondiale. De brillants intellectuels ont même suggéré de
boycotter ces jeux.
Que l’Amérique, à cette occasion, evoque la démocratie, cela fait rire le monde qu’elle met par
ailleurs sur écoute. Quand elle entre en Irak et détruit cette nation malgré
les réticences de l’ONU, sans doute est-ce aussi cela la démocratie !
L’Amérique est en train de se dissoudre dans une
globalisation qu’elle prétendait dominer jusqu’à ce
jour. Elle tend à abolir les frontières entre les Nations, au profit des
multinationales dont elle risque d’être prochainement la victime.
La Russie peut-être demain notre rempart contre une
Chine trop puissante. En tout état de cause elle est un élément fondamental de
l’équilibre
mondial.
Les États-Unis se pensent toujours comme les
dirigeants d’un monde unilatéral révolu. L’Europe laisse apparaître ses
divisions. L’Allemagne et la Grande-Bretagne font bande à part.
En Ukraine, les partis sont eux-mêmes divisés entre
les pro-européens et les pro-russes. Querelle stérile ! La solution : que l’Ukraine choisisse librement son destin, sans intervention
aucune. Kiev demeure la capitale spirituelle de la Russie.
Les points essentiels de cette affaire : les
équivoques de l’Europe en mal de formation, les provocations absurdes de
l’Amérique, la volonté de Vladimir Poutine de reconstruire la Russie éternelle
dont la puissance est indispensable à l’équilibre mondial.
La démocratie est
incontestablement aujourd’hui en péril, et la société en décadence. Ce n’est
plus le peuple qui vote et qui choisit ses représentants, ce sont les
propriétaires des médias qui manipulent l’opinion.
Face à ces puissances
considérables, que représente désormais la liberté ? Elle est un vain mot,
comme le Livre. Ce dernier était référence au Livre sacré, notre ultime recours
contre le Mal. Il suggérait un espace absolu.
Comment par ailleurs reconstruire
une civilisation s’ il n’y a plus de valeur suprême ? L’intelligence est
devenue artificielle. C’est le règne de la masse.
Le monde est désormais numérique.
L’homme communique dans l’éphémère. Il n’y a plus d’authentique intériorité ni
de questionnement.
Plus avant, les évènements
actuels posent un problème essentiellement religieux.
Le Retour d’Israël pouvait
laisser présager au moins pour ceux qui ont une lien spirituel avec la Loi et
avec le Père, un monde davantage pacifié.
Il n’en est rien.
Le problème qui est posé à
travers ce conflit, c’est celui du mal dans le monde.
Nous sommes confrontés à un
nouvel échec de l’Homme.
Ce problème appartient à une
autre dimension de la conscience humaine. Le conflit en Ukraine renvoie
directement à celui de la transcendance et à la relation que l’on peut
entretenir avec elle.
On est irrémédiablement ramené à
une des plus belles pages de Dostoievski dans les frères Karamazov, lorsque le
père et les fils se rendent au monastère et s’accusent les uns les autres
“Mettez-vous à genoux!” Telle est l’injonction du moine.
C’est la même que prononce le
Père Huvelvin face au Père de Foucald venu lui demander son aide spirituelle.
Je n’irais pas jusqu’à dire,
comme Mme Soljienitsine, que l’Ukraine appartient à la Russie. Je dirais
qu’elle possède un passé commun et que leur avenir doit se rencontrer.
Apparemment des espérences de
paix pointent à l’horizon. Des céréales viennent d’être livrées aux pays les
plus pauvres par l’Ukraine.
Seule cette dernière peut faire
la paix avec la Russie. Seule la Russie peut faire la paix avec l’Ukraine.
Cette paix les concerne seuls.
Personne ne doit s’en mêler.
La diplomatie mondiale a échoué
devant cette paix. Elle est aussi notre avenir.
Il est des moments de l’Histoire
ou les nations viennent à se heurter, ou le danger est grand d’une
conflagration, faute d’un terrain d’entente et de conciliation.
C’est le cas actuellement dans le
conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie. D’un côté on note les erreurs de part
et d’autres, celles des américains, celles des européens, les fautes d’appréciation et les
tentatives de déstabilisation de l’Ukraine.
Celle-ci est historiquement
partie prenante de la Russie. Cependant, elle désire sa liberté, rompre avec un
passé trop lourd marqué par le stalinisme.
Elle se veut européenne.
Poutine souhaite préserver l’empire russe, le reconstruire.
Il défend une conception traditionnelle de la liberté.
Le même vertige saisit de nombreuses nations, y compris la
France au moment où celle-ci tend à se fondre dans l’Europe. Elle craint de
perdre son identité.
C’est à cet instant que l’on doit se référer à des principes
très clairs.
On demandait un jour à Albert Camus si sous prétexte
d’élargissement de la notion de liberté dans un avenir proche, on pouvait faire
fi de cette dernière quelque temps. Et il répondait « On n’arrête pas le
cœur de l’homme ! »
C’est ce qu’a fait Vladimir Poutine et c’est pourquoi son
initiative est vouée à l’échec.
On ne peut empêcher le cœur de l’Ukraine, ni celui de la
Russie, de battre un seul instant sous prétexte de protéger et de reconstruire
un empire.
Quel que soit l’avenir, l’Ukraine et la Russie seront
désormais séparées par un mur de haine et de sang.
On peut consolider un empire, par la terreur certes, mais il
ne sera pas fondé sur la vérité.
D’ores et déjà il est condamné.
Edouard Valdman
Ecrivain