mardi 12 mai 2020

ESCAMOTER LA MORT

Une civilisation se lit d’abord dans sa relation au sacré et à la mort.

Aucune, mieux que la civilisation égyptienne, n’a eu avec celle-ci une relation davantage privilégiée. Tout le monde connaît les temples de la Vallée des Rois qui sont comme autant de tombeaux le long du Nil.

Aucune, mieux que celle-ci n’a su parler du passage sur l’autre rive, et sans doute, mieux que cette civilisation, n’a su évoquer le Dieu unique !

Prince et peuple n’avaient qu’une obsession : l’immortalité.

C’est parce qu’il y avait cet accord entre le Prince et ses sujets, dans leur regard sur l’au-delà, que ces splendeurs ont pu être érigées comme le seront plus tard les cathédrales en Occident. C’est parce qu’il y avait avant tout une foi.

S’il est une civilisation qui a perdu ses repères par rapport à la mort, c’est bien la nôtre. Il s’agit avant tout de l’escamoter. On en a honte. On enterre à la va-vite, et l’on fait de cet acte un commerce qui peut devenir fructueux.

Le regard de l’homme contemporain sur la mort est d’une extrême pauvreté. Il ne la craint même plus. Elle n’est plus rien, comme sa vie, sinon un gadget parmi d’autres.

Cela est si vrai que la législation pénale en France l'a supprimée.

Abolir la peine de mort est un acte de rupture d’avec le Sacré. C'est ce qu'avaient très bien vu Albert Camus et Arthur Koestler dans un livre qui a fait date " Réflexions sur la peine
capitale ".

" Comment, disaient-ils, pourrait-on prononcer une condamnation à mort dans une société laïque ? ".

Aujourd'hui, il n’y a plus de mort mais il n’y a plus de vie.

L’adoucissement apparent des mœurs devrait logiquement améliorer la condition pénitentiaire. Celle-ci ne fait qu’empirer. La mort que la loi ne distribue plus, ce sont les détenus eux-mêmes qui s’en gratifient.

Désormais, il n’est plus besoin de bourreaux. Cent suicides dans les prisons françaises depuis le début de l’année ! La guillotine n’a jamais fait mieux et ce n’est pas en replaçant la qualité des draps des détenus qu’on règlera la question.  

Ce n’est pas seulement dans les prisons que l’on se donne la mort, mais dans les entreprises.

En vérité, si tant de personnes se suicident, c’est que l’on a enlevé à la vie ce qui faisait sa valeur, sa sacralité.

Qu’est-ce à dire ?

Chaque intensité dans l’existence, chaque instant de bonheur, chaque création n’existe authentiquement que parce qu’il est arraché à la mort ou gagné sur elle.

Si une œuvre d'art est créée, c’est parce que l’artiste a un sens très aigu de la mort. Celui-ci fonde son exigence. Le désir n’est intense que parce qu’il est talonné par celle-ci.

Sartre écrivait à Camus : " Vous unissez le sentiment de la grandeur au goût passionné de la beauté, la joie de vivre au sens de la mort ".

L’œuvre de Camus n’est grande que parce qu’elle est imprégnée du sens de la mort, acquise sur les plages d’Algérie, au contact d’une beauté très intense, à Tipasa, qui fonde l’exigence de vivre et de mourir à cette hauteur.

La beauté à Athènes fondait l’héroïsme.

L'uniformisation aujourd’hui engendre le désir de se laisser mourir.

Telle est notre société. Ce n’est plus le sens de la beauté qui l'habite, celui de l’infini et du sacré, mais bien plutôt la retraite, les acquis sociaux. La masse est aux commandes, manipulée par de très dangereux magiciens.

Ce que ceux-ci ne discernent peut-être pas, c’est que cette masse qu’ils méprisent a besoin de symboles. Elle a besoin de croire et de respecter. Elle a besoin de rêve.

Le Prince ne représente sans doute pas seulement la soumission et la pesanteur, et encore moins l’oppression. Il est la symbolique, à l’intérieur même de l’homme de la séparation ontologique, de la césure.

L’autorité et la nécessité de la Loi sont d’abord à l’intérieur de nous-mêmes.

Si l’on retire à la masse la dimension symbolique, elle se retourne immanquablement contre ses séducteurs.

Ce mal gagne aujourd’hui l’ensemble de l’Occident et d’abord les États-Unis, qui ont conservé avec cette dimension une relation privilégiée. Ils sont eux-mêmes investis par le virtuel et l’abstrait.

 

Nul mieux que le virus Covid-19 n’a su montrer la fragilité de notre civilisation devant la mort. Nous avons conquis l’espace, fait le tour de la terre, créé des moyens de destruction inégalés, en un mot accompli le projet Faustien et voilà qu’un virus nous arrête dans notre expansion, nous laisse désorientés devant le seul évènement que nous avons soigneusement éloigné de notre esprit.


La mort est un mystère. L’homme à partir du moment où il s’est séparé de son animalité a voulu mettre celui-ci en évidence.


Les plus belles liturgies ont souhaité accompagner la mort.


Les civilisations les plus primitives ont marqué leur originalité par des rituels.


Tous les hommes ont montré devant ce passage une vulnérabilité, un questionnement. Ils ont voulu témoigner de leur foi.


La seule civilisation qui aie méprisé la mort, et tenté de la passer sous silence, c’est la nôtre. Sa maitrise des sciences, la toute-puissance de la raison l’a fait regarder le mystère comme une faiblesse.


La laïcité est elle-même un principe qui nie toutes les professions de foi. Chacun peut célébrer le culte de son choix comme il le désire, à condition qu’il n’en parle pas. Dieu est oublié.


La vérité c’est que pour honorer la mort, il faut d’abord respecter la vie. Pour la célébrer il convient qu’elle déploie des valeurs qui en donnent le gout, la beauté, l’héroïsme, la grandeur aussi bien que la sainteté.


Au-delà des différentes péripéties liées au déploiement du virus, celui-ci représente le signe de notre déficit spirituel.


Quand disparaîtra-t-il ? Quand nous aurons intégré à nouveau les valeurs de notre civilisation et rejeté définitivement les illusions nées des Lumières.


L’Europe elle-même ne se constituera véritablement que lorsqu'elle aura le courage d’assumer ses origines chrétiennes.


La Chine dans la main de laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est notre créature. C’est nous qui l’avons inventée à coup d’opium et de boulets de canon, à coup d’idéologie importée depuis Rousseau jusqu'à Marx. Donald Trump aura eu l’immense mérite de nous le dévoiler. Il faut qu’elle retourne à ses sources immémoriales.


La Chine doit renouer le fil du sacré.



Edouard VALDMAN
Ancien élève de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris
Ancien Secrétaire de la Conférence de Stage au Barreau de Paris
Ecrivain
Dernier livre paru « Demain, l’Occident ! »


samedi 2 mai 2020

A PROPOS D’UN VIRUS, RENOUER LE FIL DU SACRE


C’est sans doute la première et la dernière fois que nous verrons Paris si désespérément vide, comme si la ville s’était vidée de son sang !

Demain, tout redeviendra comme avant. Aujourd’hui c’est le désert.

Avec lui vient le silence. Le vacarme qui accompagne la ville habituellement et constitue un fond sonore n’a plus lieu d’être. Les hommes ont disparu.

Ils avaient perdu le sens de la solitude. Tout à coup la voilà qui revient et avec elle l’angoisse de la mort.

Le divertissement n’avait qu’un seul but, dissimuler ce scandale, le seul évènement capital que nous ne puissions éluder.

Soudain nous sommes face à lui. Il nous le  faut regarder en face.

Etrangement depuis le début de l’épidémie, pas un mot n’a été prononcé à propos de Dieu. On dirait qu’il a été expulsé de l’histoire des hommes. Certes des églises ont montré discrètement leur nez mais elles ont accepté cependant que l’on repousse la date de leurs offices, à l’après virus.

C’est peut-être ici l’élément le plus important, celui de la nécessaire reprise en compte de la dimension sainte dans un monde dont Dieu a été banni.

On ne peut plus parler à l’autre, qu’à une certaine distance. On le déplore. Pourtant cet espace, c’est celui de la distanciation, l’espace de la transcendance.

La démocratie montre ses défaillances. Elle vit sans aucun doute aujourd’hui ses derniers beaux jours. C’est le Père qui doit être remis à sa juste place. Le virus nous contraint à retrouver des attitudes primordiales.

Serions-nous sur le point de fonder de nouvelles aristocraties ?

Deux grands évènements se sont produits au XX° siècle, au cœur même de notre Histoire, la Résurrection d’Israël et la Repentance de l’Eglise catholique. Enfin un front commun contre l’idolâtrie, celle de la technique et celle de la marchandise !

A peine ce dernier est-il formé que le monde sous l’influence du marché, se précipite vers une nouvelle prophétie dévoyée, la mondialisation. Ce n’est pas la reconstruction du troisième Temple, c’est la Gay Pride qui se déploie au centre de la Ville Sainte.

Le vrai danger, c’est la fin du Livre.

Jusqu’à ce jour il a été notre emblème et l’écrivain le représentant de l’élite. Chaque auteur avait référence à la Bible, au Coran ou à l’Evangile. Le livre ne se suffisait pas à lui-même mais avait lien à une culture, en relation elle-même avec le Sacré.

C’est à l’intérieur de cette mémoire que les auteurs se sont situés. Le livre semble s’en être abstrait, pour vivre sa vie propre. Il se vend au poids sur tous les marchés du monde. Nous assistons à une évolution très périlleuse. Il s’agit d’un grand péril pour la Civilisation.

Si l’auteur ne croit pas qu’il fait appel à des forces transcendantes, il n’y a pas de Livre.

Dans toute démarche artistique il y a appel vers l’autre, vers le miracle de la rencontre. Ecrire, c’est déjà fonder un au-delà de l’homme.

Actuellement, tout ce qui appelle vers cette transcendance gène. Cela risque de troubler les lois du marché.

Si l’on veut sauvegarder la civilisation, il faut permettre au Livre de reprendre sa place traditionnelle dans notre culture. Pour cela il faut revenir à nos sources spirituelles.

Ce qui nous menace, c’est la profusion de la marchandise qui a la prétention d’intégrer les œuvres d’art.

Le problème climatique lui-même n’est que le reflet d’un mal plus profond. Il révèle la crise de la pensée occidentale qui a rompu avec le Sacré et tenté de faire de l’Homme le maître de la création.

On pourrait dire que la nature se venge. Celle-ci en effet doit être respectée. Ce respect n’existe que dans une relation à une plus haute spiritualité.

A partir du moment où la nature est considérée comme un objet de pure exploitation et de rendement, à l’intérieur d’une pensée matérialiste, elle peut disparaître.

Si l’homme veut à nouveau ré-enchanter la terre, il doit remettre l’esprit à sa vraie place. Ce ne sont ni l’économie, ni l’écologie qui fondent l’homme. Ce ne sont pas ses seules relations sociales. Ce qui le fonde, c’est l’esprit.


Quand le virus disparaitra-t-il ? Quand nous aurons intégré à nouveau les valeurs spirituelles de notre civilisation et rejeté définitivement  les illusions nées des Lumières.

L’Europe elle-même ne se constituera véritablement que lorsqu’elle aura le courage d’assumer ses origines chrétiennes.

La Chine dans la main de laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est notre créature. C’est nous qui l’avons inventée à coup d’opium et de boulets de canon, à coup d’idéologie importée depuis Rousseau jusqu’à Marx. Donald Trump aura eu l’immense mérite de nous le dévoiler. Il faut qu’elle revienne à ses sources immémoriales.

La Chine renoue le fil du sacré.

Edouard Valdman
Dernier livre paru : Demain, l’Occident !