samedi 6 mars 2021

A PROPOS DU SECRET PROFESSIONNEL

Ce qui est frappant et significatif, c’est qu’à l’occasion de la pandémie qui nous assaille depuis un an, pas un mot n’ait été prononcé quant à la religion et à la sacralité, par quelque autorité que ce soit. L’actuel gouvernement a certes privilégié pour les dernières fêtes de Noël les églises par rapport aux établissements culturels, ce qui était à mon sens extrêmement adroit et sans doute courageux. Cependant pas un seul mot de sa part ou de qui que ce soit d’autre, à propos du recours à Dieu qui a toujours été l’élément déterminant à l’occasion des pestes et autres catastrophes sanitaires.

Il en va de même aujourd’hui dans un autre ordre, celui du secret professionnel entre l’avocat et son client.

On feint de croire que ce secret se maintient seul dans le ciel, par la grâce de la Constitution ou autres arguties juridiques, ce qui montre à quel point la France est spirituellement appauvrie ou davantage en perte de repères.

Si l’on souhaite que le secret professionnel soit respecté, il faut que son fondement soit nommé, qu’il soit précisé.

Comment le pourrait-on s’il n’y a pas de base spirituelle à sa défense, s’il n’existe pas un interdit qui en fasse un absolu, qui contraigne et qui fonde.

Si le secret entre l’avocat et son client doit être sauvegardé, si les écoutes téléphoniques doivent être interdites, si le principe de la confession entre le prêtre et son ouaille peut être conservé, entre le médecin et son patient de la même manière, c’est parce qu’au centre de l’être humain il est un mystère, un manque.

Aujourd’hui personne n’ose évoquer cette dimension.

Lorsque Emmanuel Macron assiste aux obsèques de Johnny Halliday, il se garde bien de franchir le seuil de l’église de la Madeleine. Il précise par là-même qu’il est un laïque et qu’il ne connaît pas de principes religieux. Il reste en deçà de la barrière du sacré.

S’il n’y a pas de sacralité, sur quelle base fonder le secret entre l’avocat et son
client ?

Comme le dit si bien Karamazov « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! ».

On a bien compris que c’est le fondement même de notre société et de notre civilisation qui est en cause à travers le problème du secret.

Ce principe apparaît aujourd’hui largement transgressé mais en fait, on peut se demander comment il a pu perdurer dans une société qui a depuis longtemps perdu tout contact avec le Sacré.

On peut comparer ce secret au principe de l‘abolition de la peine de mort. Comme le disaient très justement Albert Camus et Arthur Koestler « Comment maintenir le principe de la peine de mort dans une société qui a perdu le sens du Sacré ? ».

Celle-ci ne représente plus rien, dans un monde sans Dieu.

Le gouvernement qui a introduit récemment dans le jeu de la justice l’institution du Parquet Financier et ses rites est un gouvernement socialiste, laïc dont le seul but était de se créer un outil pour abattre ses adversaires, de préférence de droite. Aujourd’hui au moment où les avocats tentent d’élaborer une défense contre la violation du secret professionnel à l’occasion des écoutes téléphoniques dans l'affaire Sarkozy, ils se découvrent sans moyens.

Ils ne savent pas sur quelle base l’établir.

Ils sont donc condamnés à s’inventer de petits artifices, la mise en cause de tel ou tel magistrat, le caractère excessif et partisan d’un certain type de condamnation. On voit bien comment aujourd’hui les poursuites contre Nicolas Sarkozy bafouent le secret professionnel à travers la violation des écoutes téléphoniques.

Qui aura le courage de s’affronter au Parquet Financier alors que celui-ci peut attribuer à son adversaire quelque forfaiture que ce soit. L’actuel ministre de la justice d’ailleurs, qui avait été l’objet lui-même d’écoutes, et qui avait déposé plainte, a renoncé à celle-ci dès qu’il a été promu Garde des Sceaux.

Le vrai problème c’est la béance, ce vide de la foi qui fait qu’on ne sait plus, faute de Dieu, fonder l’Homme.

L’espoir ne viendra pas d’une quelconque réforme de la loi sur le secret professionnel, l’instrument entre les mains du pouvoir politique étant trop puissant. Il ne viendra pas non plus de la résurgence de la dimension spirituelle à travers l’évolution de la configuration politique française, et de la montée en puissance des archipels identitaires susceptibles d’introduire un peu de foi dans des structures essentiellement basées sur la raison.

L’espoir viendra sans doute de l’Europe. Comme en matière de détention et de  violation des droits de l’homme, la France est régulièrement condamnée par la Commission européenne.

L’appel à cette Commission pourra être un recours contre la violation du secret professionnel entre l'avocat et son client par les juges français.

N’oublions pas que la loi anglo-saxonne qui inspire aux cotés de la loi française la législation européenne, est avec l’Habeas Corpus imprégnée de religiosité. C’est elle qui a inventé et fondé la démocratie.

Elle viendra suppléer aux insuffisances de la France jacobine, inquisitoriale, et qui fait fi comme nous venons de le voir des droits de l’homme.

Contrairement à ce qui a été dit par nombre d’avocats présents au procès Sarkozy, il s’agit avant tout d’un procès politique.

On aura compris qu’il s’agit d’abord de retrouver l’essence de la justice, le principe même de sa sacralité. Celle-ci ne peut reposer sur des bases purement matérialistes. Seule la transcendance peut les justifier.


Edouard Valdman
ancien Secrétaire de la Conférence du Stage
du Barreau de Paris