dimanche 20 octobre 2019

A propos d'Eric ZEMMOUR


J’ai longtemps éprouvé de la sympathie pour Éric Zemmour. Contrairement à de nombreux intellectuels la plupart du temps compassés et prétentieux, sans distance par rapport à leur pensée, il m’est toujours apparu jovial, en train de rire et de s’amuser. Il n’a pas l’air de se prendre au sérieux.

L’émission de télévision à laquelle il participe avec son compère Naulleau et Anaïs Bouton l’animatrice qui a beaucoup de charme, ressemble davantage à une conversation de café qu’à un salon littéraire. Ils forment une équipe sympathique et pleine d’humour.

Ils sont parvenus à conquérir la plupart des intellectuels français, c’est-à-dire à se faire haïr d’eux ou à les rendre jaloux, en tout cas à les intéresser.

Cependant, sous des allures sympathiques et bon enfants, Zemmour communique une pensée incisive, réactionnaire qui peut facilement devenir anxiogène. Il ressent une véritable crainte devant la montée de l’Islam, une authentique peur d’un « grand remplacement » de civilisation. C’est son droit.

Les protestations fusent contre son discours, et réclament qu’on l’interdise. Il a d’ailleurs déjà été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale.

Zemmour persiste et signe.

Pourtant, la liberté de parole est une des formes les plus essentielles que peut prendre la liberté humaine. Elle est un des piliers d’une société moderne et évoluée. Des milliers d’intellectuels sont morts pour la défendre et d’autres mourront encore pour elle car ce combat n’est jamais gagné.

C’est pourquoi, il ne faut en aucun cas empêcher le soldat Zemmour de parler. Il faut au contraire lui fournir tous les moyens pour qu’il puisse s’exprimer car l’expérience montre que tout ce qui est excessif disparait en fin de compte de sa belle mort.

Lorsqu’Éric Zemmour demande à une jeune femme française, venue des îles, de changer de prénom pour faire « davantage français » il commet une double faute.

D’abord celle de ne pas s’apercevoir, ou de faire semblant, que ce prénom d’Outre-Mer élargit la langue française. Loin de l’amoindrir ou de la déformer, il l’a rend plus chantante et en même temps plus universelle.

C’est sans doute ce que désiraient ceux qui sont partis à la conquête de ces territoires. Ils souhaitaient précisément agrandir la Nation française.

La deuxième faute que commet Eric Zemmour, plus grave encore, c’est de tenter de faire honte à cette jeune femme d’être ce qu’elle est.

Cette démarche pleine de mépris qui se donne un droit sur la vie des autres, c’est ça le fascisme.

Les immigrés doivent revendiquer leur condition. Ils sont les enfants vrais de ceux que nous avons conquis et c’est à ce titre qu’ils doivent être respectés.

Nous avons besoin d’eux, de leur apport original. C’est nous qui sommes allés les quérir à l’autre bout du monde.

Plus récemment, le 17 octobre 2019, Denis Olivennes est venu palabrer à la nouvelle émission d’Éric Zemmour sur TF1. Les condamnations se suivent, les émissions de télévision aussi.

Ce dernier a récidivé en le félicitant de ce que son père Armand Olivenstein a changé son nom en Olivennes. Vive la République !

Durant la dernière guerre, mon père a été obligé de modifier le sien. Il s’appelait Samuel Waldmann et il a été contraint d’en soustraire à la fois un « n », de remplacer le « w » par un « v » et de changer son prénom de Samuel en Albert.

Ce sont les nazis qui l’y ont contraint.

Il a fallu l’Holocauste pour que les juifs soient véritablement intégrés, après que la bête fut rassasiée de leur sang. Il semblerait à présent qu’ils ne souhaitent pas que l’intégration concerne d’autres peuples qu’eux-mêmes.

Eric Zemmour, un juif (je pense), se comporte comme un collabo en demandant à cette jeune fille de changer son nom et en se félicitant que Monsieur Olivenstein ait été contraint de modifier le sien.

En fait, Éric Zemmour endosse le rôle du traître.

Il ne défend plus la culture. Il la défigure.

On annonce BHL sur la chaîne pour la semaine prochaine. La boucle est bouclée. Le bon chic bon genre va définitivement cacher la perfidie.

On pensait encore il y a peu de temps que les juifs étaient préservés des intempéries du siècle.

Il n’en est rien.

Désormais, certains d’entre eux ont partie alliée avec la meute.

 Edouard VALDMAN


vendredi 4 octobre 2019

Chirac ou l'éloge de la trahison

Après avoir aidé à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban Delmas et son propre camp, Jacques Chirac se ravise et se rend compte qu’il a fait erreur, pas une erreur politique mais proprement humaine. Il est maltraité et méprisé par le nouveau Président, infatué de lui-même et peu reconnaissant.

Chirac apprend en même temps ce qu’est l’usage en politique, la trahison pour services rendus. « Il est des services si grands qu’on ne peut les récompenser que par l’ingratitude ».

Le Prince se doit de ne pas être reconnaissant. C’est le propre de ce dernier de trahir.

Chirac ne l’oubliera pas.

Dans l’affrontement qui suivra, il n’y aura pas d’enjeux vraiment politiques. Giscard d’Estaing fera face au choc pétrolier de 1970 avec compétence. Quant aux grandes lois sociétales telles celle à propos de l’avortement, le Président et son Premier ministre seront d’accord.

Il s’agira seulement d’un problème de personnalité et de caractère.

Chirac s’emploie à déstabiliser Valéry Giscard d’Estaing ce qu’il réussit à faire en s’alliant à son ennemi de classe, Mitterrand. Il lui vend son camp contre une aide pour une future Présidence.

Il l’espérait proche. Il lui faudra en fait attendre quatorze années de pouvoir mitterrandien.

Le coup de pouce de Mitterrand à Chirac contre Balladur en 1995 lui procurera finalement l’aide décisive.

Davantage, en dissolvant l’Assemblée nationale durant son second mandat, Chirac donnera pour la seconde fois le pouvoir à la gauche.

Tout cela n’est guère brillant. Une première victoire remportée contre son propre camp et une seconde avec l’aide de la gauche, effrayée par une éventuelle victoire de Jean-Marie le Pen.

C’est pourtant cet homme-là que la France pleure et honore aujourd’hui, cet homme qui sera par ailleurs condamné, après l'expiration de ses mandats, par la justice française à deux années d’emprisonnement avec sursis pour prise illégale d’intérêts, c’est-à-dire pour corruption, cet homme qui aura abandonné un des piliers de la Constitution gaullienne la Présidence de 7 ans, chiffre symbolique (Cet abandon constituera le début de l’effondrement de celle-ci), cet homme qui, par ailleurs aura refusé que figure dans la prochaine Constitution européenne les racines chrétiennes de l'Europe.

A son actif cependant, deux décisions importantes : le refus de suivre l’intervention des américains en Irak, et la dénonciation de la France pour avoir prêté la main aux allemands pendant la guerre à l’occasion de leur persécution contre les juifs, sans oublier l’attention portée au problème climatique.

Il n’en reste pas moins que l’on ressent devant ces cérémonies grandioses, des Invalides à l’Elysée, en passant par l’église Saint-Sulpice, un incontestable malaise.

Les français ont l’impression qu’on les presse, qu’on leur dit ce qu’ils ont à faire comme si le show allait combler le manque et faire oublier les graves lacunes du destin.

Il aura manqué une dimension essentielle à Jacques Chirac pour que celui-ci fût grand : l’éthique.

La bonne chair, les bons mots et le don de sympathie ne sont pas suffisants pour faire oublier la trahison et le reniement.

Il lui a manqué la dimension métaphysique proprement gaullienne, celle du sacrifice et celle de l’honneur.


Edouard VALDMAN