vendredi 4 octobre 2019

Chirac ou l'éloge de la trahison

Après avoir aidé à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban Delmas et son propre camp, Jacques Chirac se ravise et se rend compte qu’il a fait erreur, pas une erreur politique mais proprement humaine. Il est maltraité et méprisé par le nouveau Président, infatué de lui-même et peu reconnaissant.

Chirac apprend en même temps ce qu’est l’usage en politique, la trahison pour services rendus. « Il est des services si grands qu’on ne peut les récompenser que par l’ingratitude ».

Le Prince se doit de ne pas être reconnaissant. C’est le propre de ce dernier de trahir.

Chirac ne l’oubliera pas.

Dans l’affrontement qui suivra, il n’y aura pas d’enjeux vraiment politiques. Giscard d’Estaing fera face au choc pétrolier de 1970 avec compétence. Quant aux grandes lois sociétales telles celle à propos de l’avortement, le Président et son Premier ministre seront d’accord.

Il s’agira seulement d’un problème de personnalité et de caractère.

Chirac s’emploie à déstabiliser Valéry Giscard d’Estaing ce qu’il réussit à faire en s’alliant à son ennemi de classe, Mitterrand. Il lui vend son camp contre une aide pour une future Présidence.

Il l’espérait proche. Il lui faudra en fait attendre quatorze années de pouvoir mitterrandien.

Le coup de pouce de Mitterrand à Chirac contre Balladur en 1995 lui procurera finalement l’aide décisive.

Davantage, en dissolvant l’Assemblée nationale durant son second mandat, Chirac donnera pour la seconde fois le pouvoir à la gauche.

Tout cela n’est guère brillant. Une première victoire remportée contre son propre camp et une seconde avec l’aide de la gauche, effrayée par une éventuelle victoire de Jean-Marie le Pen.

C’est pourtant cet homme-là que la France pleure et honore aujourd’hui, cet homme qui sera par ailleurs condamné, après l'expiration de ses mandats, par la justice française à deux années d’emprisonnement avec sursis pour prise illégale d’intérêts, c’est-à-dire pour corruption, cet homme qui aura abandonné un des piliers de la Constitution gaullienne la Présidence de 7 ans, chiffre symbolique (Cet abandon constituera le début de l’effondrement de celle-ci), cet homme qui, par ailleurs aura refusé que figure dans la prochaine Constitution européenne les racines chrétiennes de l'Europe.

A son actif cependant, deux décisions importantes : le refus de suivre l’intervention des américains en Irak, et la dénonciation de la France pour avoir prêté la main aux allemands pendant la guerre à l’occasion de leur persécution contre les juifs, sans oublier l’attention portée au problème climatique.

Il n’en reste pas moins que l’on ressent devant ces cérémonies grandioses, des Invalides à l’Elysée, en passant par l’église Saint-Sulpice, un incontestable malaise.

Les français ont l’impression qu’on les presse, qu’on leur dit ce qu’ils ont à faire comme si le show allait combler le manque et faire oublier les graves lacunes du destin.

Il aura manqué une dimension essentielle à Jacques Chirac pour que celui-ci fût grand : l’éthique.

La bonne chair, les bons mots et le don de sympathie ne sont pas suffisants pour faire oublier la trahison et le reniement.

Il lui a manqué la dimension métaphysique proprement gaullienne, celle du sacrifice et celle de l’honneur.


Edouard VALDMAN

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