Après avoir aidé à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban Delmas et son propre camp, Jacques Chirac se ravise et se rend compte qu’il a fait erreur, pas une erreur politique mais proprement humaine. Il est maltraité et méprisé par le nouveau Président, infatué de lui-même et peu reconnaissant.
Chirac apprend en même temps ce qu’est l’usage en politique, la trahison pour services rendus. « Il est des services si
grands qu’on ne peut les récompenser que par l’ingratitude ».
Le Prince se doit de ne pas être reconnaissant. C’est le
propre de ce dernier de trahir.
Chirac ne l’oubliera pas.
Dans l’affrontement qui suivra, il n’y aura pas d’enjeux vraiment
politiques. Giscard d’Estaing fera face au choc pétrolier de 1970 avec
compétence. Quant aux grandes lois sociétales telles celle à propos de l’avortement,
le Président et son Premier ministre seront d’accord.
Il s’agira seulement d’un problème de personnalité et de
caractère.
Chirac s’emploie à déstabiliser Valéry Giscard d’Estaing ce
qu’il réussit à faire en s’alliant à son ennemi de classe, Mitterrand. Il lui vend
son camp contre une aide pour une future Présidence.
Il l’espérait proche. Il lui faudra en fait attendre quatorze années de pouvoir mitterrandien.
Le coup de pouce de Mitterrand à Chirac contre Balladur en 1995 lui procurera
finalement l’aide décisive.
Davantage, en dissolvant l’Assemblée nationale durant son
second mandat, Chirac donnera pour la seconde fois le pouvoir à la gauche.
Tout cela n’est guère brillant. Une première victoire
remportée contre son propre camp et une seconde avec l’aide de la gauche,
effrayée par une éventuelle victoire de Jean-Marie le Pen.
C’est pourtant cet homme-là que la France pleure et honore
aujourd’hui, cet homme qui sera par ailleurs condamné, après l'expiration de ses
mandats, par la justice française à deux années d’emprisonnement avec sursis
pour prise illégale d’intérêts, c’est-à-dire pour corruption, cet homme qui aura abandonné un des piliers de la Constitution gaullienne la Présidence
de 7 ans, chiffre symbolique (Cet abandon constituera le début de l’effondrement de
celle-ci), cet homme qui, par ailleurs aura refusé que figure dans la prochaine Constitution européenne les racines chrétiennes de l'Europe.
A son actif cependant, deux décisions importantes : le
refus de suivre l’intervention des américains en Irak, et la dénonciation de la
France pour avoir prêté la main aux allemands pendant la guerre à l’occasion de
leur persécution contre les juifs, sans oublier l’attention portée au problème
climatique.
Il n’en reste pas moins que l’on ressent devant ces
cérémonies grandioses, des Invalides à l’Elysée, en passant par l’église
Saint-Sulpice, un incontestable malaise.
Les français ont l’impression qu’on les presse, qu’on leur
dit ce qu’ils ont à faire comme si le show allait combler le manque et faire
oublier les graves lacunes du destin.
Il aura manqué une dimension essentielle à Jacques Chirac pour
que celui-ci fût grand : l’éthique.
La bonne chair, les bons mots et le don de sympathie ne sont
pas suffisants pour faire oublier la trahison et le reniement.
Il lui a manqué la dimension métaphysique proprement
gaullienne, celle du sacrifice et celle de l’honneur.
Edouard VALDMAN
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