jeudi 17 mars 2022

Les larmes du temps

J’entends la guerre, j’entends le meurtre
à l’autre bout du monde

 

L’enfant qu’on égorge
La ferme brûlée
J’entends le feu qui ravage
Les os qui craquent
Je vois le sang tomber sur le sol d’un cou fragile
Que j’eusse aimé

 

Je vois le chemin plein
De leurs pas hideux,
De leurs bottes, et de leurs chars
Je vois les prairies
Les herbes piétinées 

 

Je ne peux plus dormir
Je ne peux plus rêver
J’ai peur de m’habituer à la souffrance

 

Non il ne faut pas !
Il ne faut pas croire que toujours
Ce sera pareil !
Peut-être qu’il y aura un jour un vrai printemps !
Qu’il n’y aura plus de chars
Qu’il n’y aura plus de bottes
Qu’il n’y aura que des cortèges
De fleurs, d’amants
D’amis, de femmes
Sinon, alors !
Qu’avons-nous fait ?
Pourquoi le Mal ?

 

Je descendrai dans le village
J’habillerai les morts
Je fermerai leurs yeux, s’ils en ont encore !
Je réunirai leurs bras tendus
Etonnés,
Je baiserai leurs lèvres étrangères
Si miennes

 

Je reconstruirai la maison
Plus dure
Plus forte
Et cette fois-ci je dis
Ils ne viendront pas !

 

Peut-être aussi qu’ils ne savaient pas !
Peut-être qu’il fallait leur dire la source, la rosée
Le ciel !
Peut-être qu’il fallait les aimer !

 

Il faut refaire la terre
L’ensemencer d’espoir
La labourer avec le cœur
Il faut l’abreuver de joie et de soleil !

 

Dieu est mort, mais nous sommes à naitre !
Le blé ne lèvera pas sans larmes
L’esprit laboure, le cœur se heurte aux pierres
Qu’importe s’il a mal ?

 

Le son du cœur contre les pierres est le cri nouveau
de l’Homme

 

Laisse respirer la terre
Laisse-là prendre son temps

 

Un jour, le soleil se lèvera sur un champ radieux
Il n’y aura plus d’esclaves
Il n’y aura plus de maîtres !

 

Il y aura le grand silence de l’infini,
Vers lequel les hommes regarderont ensemble
Sans peur
Emerveillés !

 

Edouard VALDMAN