samedi 9 janvier 2021

A propos d'un présumé inceste : l'affaire Duhamel

J'ai connu Jacques Duhamel, le père d'Olivier dans les années 60, dans le Jura. Mes parents étaient propriétaires d'un hôtel "le Grand Hôtel de Genève" à Dôle. Comme son nom le laisse deviner, il se situait sur la route Paris-Genève qui à l'époque était un axe important.

Jacques Duhamel était à ce moment directeur du Commerce Extérieur. Il avait été préalablement au cabinet d'Edgar Faure, aux côtés de VGE. Il cherchait à se faire élire dans la région. C'est ce qui expliquait sa présence à Dôle aux côtés du même Edgar.

A l'époque, ils étaient dans l'opposition à de Gaulle et prévenaient d'ailleurs le bon peuple "de ce que cela allait vous couter". "Cela", c'était les voyages du général de Gaulle en Amérique latine.

Jacque Duhamel logeait dans l’hôtel de mes parents et ce, de manière démagogique. En effet, il y avait à Dôle un hôtel qui possédait un standing bien supérieur au leur. C'est dans cet Hôtel Chandioux, sur la grande place que Jacques Duhamel et Edgar Faure auraient du résider. Ils avaient préféré à travers le choix de l’Hôtel de Genève, montrer au peuple qu'ils avaient des véléités davantage démocratiques.

En tous cas, je sympathisai beaucoup avec Jacques Duhamel. J'étais alors étudiant et je me proposai d'intégrer Sciences Politiques quand je monterais à Paris.

Il m'y accueillit très amicalement dans son bureau de l'avenue Raymond Poincaré. J'y remarquai d'ailleurs un immense tableau de Bernard Buffet. Jacques Duhamel était un esthète.

J'ai assisté à plusieurs meetings électoraux auxquels il avait participé aux côtés d'Edgar Faure dans la grande salle des fêtes de Dôle.

J'avais été impressionné par le caractère brillant de leur performance.

J'ai gardé le contact avec Jacques Duhamel jusqu'à sa fin tragique. Il habitait alors, comme François Mitterrand, rue de Bièvre, non loin du professeur Funk-Brentano, son beau frère.

J'ai assisté à son discours à l'Assemblée Nationale quand il est devenu Ministre de l'agriculture.

C'était un homme à la fois brillant et généreux, destiné aux plus hautes fonctions. Il avait été nommé Ministre de la culture par Georges Pompidou. La maladie foudroyante est venue interrompre sa course.

A la même époque j'ai rencontré Evelyne Pisier à Nice en même temps que sa soeur Marie France au moment même ou cette dernière était engagée par François Truffaut pour "Les 400 coups".

J'ai conservé des rapports amicaux avec Evelyne, après sa montée à Paris et son départ pour Cuba avec une bande de nos amis, Jean-Pierre Osenda, Una Liutkus... Ils appartenaient de près ou de loin à la jeunesse communiste comme d'ailleurs tous ceux qui étaient de ce voyage.  Bernard Kouchner en était l'organisateur.

A cette occasion Evelyne avait rencontré Fidel Castro avec lequel elle avait eu une aventure et elle écrivit un livre à ce sujet "Soudain la liberté".

Retour de Cuba, Evelyne avait épousé Bernard Kouchner, avait eu plusieurs enfants, puis était devenue directrice du Livre au Ministère de la culture, sous Jack Lang.

Ultérieurement elle avait épousé Olivier Duhamel, après avoir divorcé de Bernard Kouchner. Marie-France de son coté avait épousé un membre de la famille Funk-Brentano.

En tous cas, tous ces personnages étaient de gauche et devaient avoir une action importante dans la génération Mitterrand.

Ce qui était étonnant, c'est qu'Olivier Duhamel qui apparaissait sur de nombreux écrans de télévision à l'occasion d'émissions politiques, et qui était devenu par ailleurs un des patrons de Sciences Po n'avait jamais réussi à devenir ministre comme l'avait été son père ou Bernard Kouchner. J'avais l'impression qu'il était frustré. Son image n'était pas sympathique. Elle manquait d'ouverture.

Plus tard Evelyne est décédée et j'ai entendu parler d'Olivier à plusieurs reprises par mes amis Osenda et Liutkus, ceux-même qui avaient accompagné Evelyne à Cuba.

Son livre dailleurs n'avait pas connu un grand succès malgré une critique élogieuse d'Elizabeth Badinter, qui évoquait pourtant "le livre d'une génération".

Il est vrai que cette aventure cubaine avec Castro ne devait pas nécessairement enchanter ni  Kouchner ni Olivier Duhamel.

Récemment, en mars 2019, j'ai rencontré Olivier Duhamel à l'occasion de la Journée du Livre Politique organisée par Luce Perrot à l'Assemblée Nationale. Il venait dédicacer son dernier livre "Jacques et Colette" qui relatait la carrière de son père en même temps que sa rencontre avec Colette Gallimard.

J'ai retrouvé dans ce livre de très lointains souvenirs du temps de Dôle.

J'ai eu envie de prendre contact avec Olivier Duhamel. Je me présentai à lui et lui fit part de mon désir de le rencontrer. Il m'apparut assez froid. Il m'offrit de lui écrire à Sciences Po. Je n'ai jamais eu de réponse.

Lorsque j'ai appris récemment les différentes péripéties de ce que l'on appelle désormais l'Affaire Duhamel, je ne fus pas étonné. Non que je connusse le moindre détail sur sa vie personnelle, sa vie intime, mais je pensais que la passion du pouvoir qui était inscrite sur son visage, n'avait pas été satisfaite.

Cette affaire, tout à coup le mettait en pleine lumière. Sa photo d'ailleurs, occuppait une page entière du Figaro. Loin de moi l'idée qu'il aie commis "ces actes" dans le but de faire la une de l'actualité, mais à mon sens, c'est son inconscient qui avait agi.

Faute d'avoir été capable de suivre les difficiles méandres d'une ascension politique, il avait empreinté d'autres sentiers davantage scabreux.

En tous cas, il était célèbre, et c'est cela sans doute qu'il avait désiré. Le livre qui avait créé le scandale, celui de sa belle-fille avait peu d'importance.

Ce qui était important, c'est qu'il était, "aux nues, aux news".

Edouard Valdman - ancien élève de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris