Je ne sais si Roman Polanski a enfreint la loi en matière de
relation avec les femmes. Une affaire aux Etats-Unis a fait beaucoup de bruit.
Elle est très ancienne. La victime a retiré sa plainte. Un procureur s’accroche
toujours au dossier. Il a envie sans doute de se faire de la publicité.
Polanski est ainsi interdit d’entrer aux Etats-Unis. Il risquerait une arrestation.
La liberté américaine s’arrête où commence la publicité.
En France, le même Polanski est accusé par une autre femme
pour une agression sexuelle qui aurait eu lieu il y a plus de trente ans. Si celle-ci
n’a pas déposé plainte plus tôt c’est que l’affaire n’était pas mure. Le film
« J’accuse » aurait ranimé sa flamme.
En tout cas, le caractère hautement problématique de ces
accusations n’empêche pas de mettre le réalisateur au pilori. Des
manifestations de féministes ont lieu devant différents cinémas dans le but
d’empêcher la diffusion du film.
Ce qui est affligeant et très inquiétant dans tout cela,
c’est que la justice est mise à mal. Aujourd’hui n’importe qui, pour des motifs
la plupart du temps fallacieux, peut mettre en cause n’importe quel citoyen.
C’est ce qui s’est passé dans le domaine politique avec
François Fillon. Il n’est toujours pas jugé. C’est ce qui se passe avec Polanski,
autrement. On n’a pas besoin de preuves, de jugements ou de condamnations. La
suspicion suffit pour comparaitre devant les instances médiatiques, désormais
les véritables juges. L’Etat ne réagit pas. Davantage, il utilise les moyens de
la calomnie à des fins hautement partisanes.
Que Polanski, un réalisateur de génie (« Tess », « Le
pianiste ») puisse être mis en cause par des pseudo-victimes, trente ans
après les faits, sans aucun commencement de preuve, montre suffisamment à quel
point notre démocratie est dans un état de décomposition avancée.
Bien plus, comment ne pas faire le lien entre « J’accuse »
et ces affaires, c’est-à-dire entre l’éternel proscrit, le juif, et les
accusations erronées, car c’est cela dont il s’agit. En embrassant le thème de
« J’accuse », c’est-à-dire de l’affaire Dreyfus, Polanski embrasse en
même temps celui du racisme.
Comme le disait Maurice Barres, l’écrivain le plus célèbre de
ces temps, une des grandes consciences françaises « que Dreyfus soit
coupable, je le connais de sa race ! ».
Que Polanski soit considéré coupable envers ces femmes, sans
preuve aucune, « nous le connaissons de sa race ». La boucle est
bouclée. N’est-ce pas cela que Polanski a voulu signifier à travers ce
film ?
N’oublions pas que Zola a été condamné après son
« J’accuse », qu’il a été obligé de quitter la France, que Dreyfus
enfin a été gracié mais jamais acquitté.
L’Etat en France ne peut pas se tromper. Quoique l’on puisse
en penser, le Roi est toujours là.
En fait, ce qu’il conviendrait de faire, c’est d’envoyer ce
film admirable dans toutes les écoles de France et de l’y visionner, ce film
qui dit exactement ce qui se passe depuis toujours : Ponce Pilate se lave
éternellement les mains dans le sang du juste.
L’important pour la foule c’est de lyncher. Il y aura
toujours un juif dans notre environnement, un autre, un noir, un émigré.
Cela ne se passera jamais à cause de nous mais à cause de
l’autre en nous.
Les femmes qui accusent Polanski aujourd’hui sans preuve sont
un des nouveaux visages du totalitarisme des temps modernes.
Etrange masque que celui-là. La beauté aurait désormais
partie à l’horreur !
Edouard VALDMAN