Georges Kiejman est un grand avocat. Depuis longtemps il est marqué à gauche. Il est célèbre pour avoir en son temps défendu Pierre Goldman. Il est surtout connu comme un ami de François Mitterrand, de sa famille et de ses amis.
Il a été Ministre délégué à la Justice durant l’un des deux septennats de celui-ci.
Récemment je l’ai entendu parler sur les ondes. Il disait qu’à Paris, on appartenait à des « familles ». Lui-même appartenait sans aucun doute à celle de la gauche. En fait son grand homme avait été Pierre Mendes France et il n’en démordait pas. Il avait cette admiration en commun avec Jean Denis Bredin, autre Secrétaire de la conférence et Académicien français, tourmenté actuellement par le pouvoir pour son arbitrage dans l’affaire Tapie. Il vient précisément de publier un livre à propos de Pierre Mendes France, « Le procès de Riom ».
Que Georges Kiejman, célèbre avocat, ait cru aujourd’hui de son devoir de prendre la parole dans un journal de droite, le Figaro, pour s’élever contre la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour le délit d’abus de faiblesse sur la personne de Madame Liliane Bettencourt, donne toute la mesure de la situation judiciaire dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Un juge d’instruction met en examen sans l’ombre d’un début de preuve un ancien Président de la République pour abus de faiblesse envers une personne dont tous les témoignages affirment qu’au moment des faits évoqués, elle était en possession de toutes ses facultés.
Georges Kiejman dans sa Tribune du Figaro (le journal Le Monde auquel il est davantage habitué, étant donné sa sensibilité politique, lui a refusé son article) analyse, décortique, prouve le côté partisan de cette procédure, son côté arbitraire.
Cet article est doublement important.
Il montre d’abord ce qu’est un avocat digne de ce nom, quelque puisse être par ailleurs, sa sensibilité politique. Celui-ci n’est pas d’un bord ou d’un autre. Il est du côté du Droit. Georges Kiejman donne là une leçon d’honneur et de probité.
Il élève la profession.
Par ailleurs, cet article montre ce qu’est un régime politique qui a perdu ses points de repère et pénètre désormais dans une zone très dangereuse, celle de l’arbitraire : personne ne pourra croire qu’un petit juge d’instruction puisse mettre de son propre chef en examen un ancien Président de la République sans en avoir d’abord référé à son autorité hiérarchique, c’est-à-dire à son ministre.
Que celle-ci dispense ses faveurs au mariage gay et autres conquêtes
de la gauche ! Elle s’enfonce ici dans un domaine d’où il lui sera
difficile de sortir indemne.
Nicolas Sarkozy voulait précisément supprimer le juge d’instruction et
le remplacer par le juge de l’instruction, c’est-à-dire un organisme judiciaire
davantage contradictoire, selon le mode anglo-saxon. En fait, ce qu’il
souhaitait, c’est abolir la procédure inquisitoire dans laquelle nous nous
trouvons toujours depuis la Révolution française et Bonaparte, pour la remplacer par une procédure
accusatoire, donnant beaucoup plus de garanties au justiciable.
L’actuelle attitude du juge, son caractère arbitraire rend cette
réforme encore plus indispensable.
Je dirai enfin que Georges Kiejman, dans cet article, se situe au-delà
du Droit. Il se place du côté de la Loi. Le Droit peur être national, ou même
impérial, tel le droit romain. La Loi est universelle. C’est elle qui a fait se
dresser Zola au moment de l’affaire Dreyfus en même temps que Jaurès, Clémenceau
ou Charles Peguy
Nous en sommes là.
Nicolas Sarkozy n’est pas exactement Dreyfus mais l’atteinte portée à
la justice, « ce mauvais coup » dont parle Georges Kiejman est
de même nature et porte en lui les germes de l’arbitraire et du despotisme.
C’est pourquoi la tribune de Georges Kiejman représente à la fois
l’honneur de la justice, celle de la liberté et celle de la France.
Edouard Valdman, ancien Secrétaire
de la Conférence du Stage du Barreau de Paris. Ecrivain, dernier livre paru : « Demain, l’Occident ! » L’Harmattan
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