mardi 13 janvier 2015

SOMMES-NOUS CHARLIE ?

J’avais écrit au moment où les caricatures du prophète Mahomet avaient été publiées par Charlie Hebdo un article à ce propos, qui a été publié dans le journal France Amérique.

J’énonçais qu’à mon sens il fallait respecter toute autre croyance. Nous n’apprécierions pas, sans doute, même si nous sommes indifférents, que soient moqués les symboles de notre civilisation, que ce soit le visage du Christ, celui de la Vierge Marie, de Moïse ou simplement celui de l’un de nos héros.

La démarche qui consiste à caricaturer le visage du prophète Mahomet n’est pas louable. Le blasphème ne peut constituer un droit. Il existe au contraire un devoir de respect envers toutes les croyances, ce qui ne doit pas empêcher de les critiquer dans leur fondement, d’une manière historique et scientifique.

Récemment, deux jeunes femmes, les femen, se sont introduites dans l’Eglise Notre-Dame à Paris, les seins nus. Aucune condamnation n’est intervenue.

La pente qui conduit de la caricature au mépris de l’autre est dangereuse. La désacralisation de la société a conduit au siècle précédent aux extrêmes les plus terrifiants.



On a tort de mettre sur le même plan les attentats qui viennent d’advenir en France et ceux qui se sont déroulés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001.

Certes ils se ressemblent dans leur violence et leur mépris de la vie humaine. Le châtiment qu’ils prétendent infliger est à l’évidence sans commune mesure avec les faits qu’ils invoquent.

Cependant les pays où ils ont lieu sont différents : d’une part les Etats-Unis qui sont un pays religieux, protestant « In God we trust » « God bless America », d’autre part, la France une république laïque.

Cette nuance est d’un grand intérêt. Face à la menace islamiste, celle d’un système religieux poussé à ses extrêmes, les Etats-Unis sont en mesure d’opposer une autre foi, une autre religiosité.

La France n’en n’a pas les moyens. La République, la laïcité, les Droits de l’Homme issus eux-mêmes de la Révolution française ne sont pas à la mesure du défi.

Ils n’ont pu jadis empêcher ni l’affaire Dreyfus, ni Vichy. Ils ne pourront faire face au nouvel extrémisme. La laïcité est un concept négatif. Elle est un déni. Elle ne prend pas en compte l’homme dans son identité pleine et entière. Elle constitue un déficit symbolique.

Seule une « laïcité positive » pourrait faire face, qui au-delà du « Parricide » devrait permettre aux différentes spiritualités qui gisent au plus profond de l’âme de la France, de renaitre : le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme.

Le choix du gouvernement actuel va à l’encontre de tout cela. Il s’efforce d’éroder la spiritualité au profit de très dangereux erzatz qui conduisent à une indifférenciation et renforcent encore le déni, tels le mariage pour tous, le mépris de la famille, etc…

Seuls des symboles sacrés sont aujourd’hui nécessaires à côté des Lumières : notre foi millénaire, nos traditions.

C’est pourquoi le terrorisme qui nous frappe n’est que le visage inversé de la perte de nos valeurs. On pourra certes défiler, mais on ne résoudra rien. La seule opposition réelle à celui-ci est la reconquête de notre identité pleine et entière.

Un ancien premier ministre a récemment prononcé cette phrase « En France, il ne peut y avoir de spiritualité ». Il voulait dire sans doute, qu’il n’y avait place que pour la laïcité.

C’est cela la vraie Terreur. Et la réponse vient de lui être apportée, nette, claire, incontournable.



Il est probable que des mouvements politiques importants vont advenir dans les prochains mois. Le ventre mou qui nous représente, le « neutre » ne pourra pas résister. Le Front National apparait, au milieu de la confusion des partis, et de leurs bassesses, comme le seul interlocuteur valable, ne serait-ce parce qu’on ne l’a jamais vu à l’œuvre. Il a le privilège de la nouveauté.

Il représente le repli sur soi, après l’échec des partis et leur incapacité de permettre à la France de reprendre en compte ses différentes forces spirituelles. La droite comme la gauche ont comme unique référence la laïcité.

Il propose un retour au Nationalisme. Ce n’est pas la solution. Cependant, comme en 1936 après l’échec du Front Populaire, celui-ci apparait comme le seul capable de répondre à l’attente actuelle des français.

Sans doute sommes-nous arrivés au point où nous serons contraints de traverser l’expérience de ce parti.



Pourtant les problèmes ne pourront se résoudre que dans le cadre de l’Europe. L’Italie, l’Espagne et la Grèce sont des pays catholiques. L’Angleterre et l’Allemagne sont des pays protestants. Leur religiosité les rend davantage capables de résistance.

C’est l’Europe et sa spiritualité qui est la juste réponse à la barbarie. Non pas la France des seuls Droits de l’homme et des Lumières, mais l’Europe des cathédrales, celle de la Renaissance et celle de l’Habeas corpus anglais, celle de la Liberté.

Il ne s’agit pas de passer outre aux Lumières, mais de les situer aux côtés des spiritualités qui reposent au plus profond de l’âme de l’Europe.



Qui ne verra par ailleurs que les terroristes viennent de nos banlieues, qu’ils sont issus de l’exclusion et que la France a été incapable de les intégrer. La République, les Droits de l’Homme, la laïcité, ont été impuissants à répondre à leur désir d’intégration.

On s’étonnera que des jeunes français aujourd’hui rejoignent le djihad. A quel degré de désespoir faut-il qu’ils soient arrivés, d’horreur de leur propre pays, pour ne trouver que dans le fanatisme extrême d’une autre religion, une réponse à leur exigence d’absolu ?

Les compromissions, la corruption, le mensonge, nous nous y habituons. On éteint la télévision. On cesse de lire la presse. On se protège de ces poisons.

La jeunesse a besoin d’idéal. Hier ce fut la Résistance, puis les grandes utopies révolutionnaires. Aujourd’hui il n’y a rien.

Le gouvernement français actuel porte une grande responsabilité face à ces problèmes.

Ce qui est le plus proche du terrorisme, c’est notre petite idéologie, nos petits conforts, nos petits avantages sociaux, notre médiocrité.

Bernanos disait que le plus grand danger n’était ni la haine, ni la violence, c’était la médiocrité. Aujourd’hui nous savons ce dont il parlait.

Les attentats tels ceux du 11 septembre aux Etats-Unis ou ceux contre Charlie Hebdo en France sont un signe. Ils mettent le doigt sur notre vide spirituel, le « grand vide » dont parlait il y a peu Norman Mailer.



Le terrorisme arabe est moins aveugle qu’il n’y parait. Il a ses sources, ses raisons, ses explications.

L’histoire du monde arabe qui a été celle d’une grande civilisation s’est arrêtée soudain au XVIème siècle. Alors que l’Europe rencontrait l’Humanisme, la Réforme Protestante, la Science et le Progrès, le monde arabe est demeuré figé dans son passé. Il n’a jamais connu la séparation de l’église et de l’état. Le statut de la femme n’a pas évolué. Progressivement il s’est enfermé dans la stagnation.

En 1918, l’Empire Ottoman s’effondre. Les « alliés » se jettent sur le Moyen Orient et le dépècent. Les arabes depuis ce jour vivent dans la nostalgie de la reconquête de leur unité.

En 1944, à son retour de Yalta, Roosevelt signe un traité avec le roi d’Arabie Saoudite à propos des immenses réserves de pétrole que contient son royaume.

D’un côté il les cède aux américains, et de l’autre ceux-ci s’engagent à protéger son système politique barbare. Les intérêts économiques ont primé.

C’est de ce contexte historique que sont issus Ben Laden et autres terroristes.

Que reste-t-il à ces peuples surexploités, sinon le désespoir et une idéologie extrême qui seule leur apparait comme la voie du salut.

Sans doute et paradoxalement aujourd’hui, la baisse de l’intérêt pour le pétrole les ramène à davantage de réalité, et pourrait peut-être leur permettre de remettre en cause leur ordre séculaire et de réussir enfin les révolutions qu’ils ont toujours manquées.

Mais c’est en eux qu’ils devront trouver les moyens d’évoluer et de créer comme l’a fait l’Europe au XVIème siècle, une relation plus libre avec leur divinité.

Des mouvements récents comme ceux qui se sont déroulés en Egypte, en Lybie ou en Tunisie doivent trouver une issue positive et permettre à ces pays d’entrer dans le monde moderne.

Ces révolutions toutefois ne peuvent advenir qu’à travers un changement radical dans leur mentalité, une révolution intérieure, l’intégration d’une nouvelle forme de tolérance, le changement du statut de la femme. C’est la condition indispensable à tout renouveau.

La sacralisation du Livre « Le Coran » ne peut demeurer un dogme. Celui-ci doit être enfin questionné.

C’est la seule manière pour qu’il puisse être sauvegardé.

Edouard VALDMAN
Dernier livre paru Demain, l’Occident !
A paraitre janvier 2015 Pourquoi ? Des Lumières à l’Holocauste