Pour comprendre véritablement l’enjeu
de ces dernières élections présidentielles, il nous faut faire un peu
d’histoire.
La Révolution française aurait pu être l’aube
de la liberté. Pour cela il eut fallu qu’elle laissât émerger et s’épanouir les
différentes langues et croyances qui gisent au plus profond de l’âme de la
France.
Les jacobins ont clôturé la plaie
ouverte par le parricide, d’où auraient pu jaillir les spiritualités et
religions qui la constituent. La gauche comme la droite en France, dans le
prolongement du jacobinisme, se sont rendus complices de la mort du Roi, de celle du Père et de celle de
Dieu.
C’est de cela dont il s’agit. La
Révolution française sous la botte des jacobins a tenté d’abattre tout principe
d’autorité ainsi que tout signe du sacré.
Le seul parti qui a maintenu vivant
l’héritage de la sacralité, c’est le parti nationaliste, l’ancêtre du Front
National. Le problème est qu’il était antisémite, ses leaders tels Maurras ou
Barrès ne concevant pas que le judaïsme était à la base de la foi chrétienne,
son plus solide appui.
La Repentance selon les papes Jean
XXIII et Jean Paul II, en ressourçant l’Eglise au tronc judaïque a sapé l’origine
de l’antisémitisme du parti nationaliste, ce qui distribue à celui-ci désormais
une configuration tout à fait nouvelle. Un des éléments majeurs de son
sectarisme a désormais disparu, emporté par l’Histoire.
Cependant le Parti Nationaliste dans sa
défense du Père, de l’autorité et du principe UN, par-delà la Révolution,
demeure essentiel à la défense de l’esprit français. Il maintient paradoxalement
le principe de l’Unité, de l’articulation essentielle.
C’est de ce retour à la blessure
originelle, dont tous les partis ont peur, à la question du Père que la France
a abattu en 1793 et qu’elle a été contrainte de remplacer par des Pères de
substitution, tous comme nécessairement tyrans ou dictateurs, la transcendance
étant un principe irréductible, inhérent à la conscience humaine
Cette question du Père est le véritable
problème de la France.
De Gaulle, dans une certaine mesure a
tenté d’y remédier en créant une monarchie républicaine sur laquelle les
différents partis se sont acharnés pour reprendre, comme il le disait lui-même,
leurs petits jeux traditionnels. Ceux-ci ayant été incapables de régler cette
question en intégrant le Front National, celui-ci doit désormais s’exprimer
différemment.
Tel est le véritable enjeu aujourd’hui
du combat de Marine Le Pen. Celui-ci va bien au-delà des petites mises en cause
et des apparences. Il constitue une articulation essentielle, à l’intérieur
même de la Nation.
On ne pourra pas faire l’impasse sur
cette question. Le Front National a servi d’épouvantail à la gauche, et de
repoussoir. La droite a été incapable en réponse à cette provocation de créer un
grand parti libéral, en l’intégrant.
Désormais il faut que celui-ci
s’exprime sans doute dans le cadre des institutions françaises et que
celles-ci, grâce à son intégration, retrouvent un authentique équilibre.
Pour le cas où ceci n’adviendrait pas
dans les semaines qui viennent, le problème serait remis à demain avec des
conséquences sans doute très graves car on ne peut aller contre l’inconscient
du peuple.
Le grand œuvre du Général de Gaulle a
consisté à élaborer une Constitution qui permettait au-delà des divisions
habituelles de la France en une multitude de partis politiques, de gouverner à
l’aide de deux grandes formations, à l’image des démocraties anglo-saxonnes, et
grâce au scrutin majoritaire à deux tours.
Après sa disparition et l’entracte
Pompidou - Giscard d’Estaing - Chirac, l’habileté perverse de François
Mitterrand a été de réussir à se faire élire Président de la République, à
l’intérieur d’institutions qu’il a combattues, jour après jour, durant 25
années.
Sa haine de de Gaulle en même temps que
son passé vichyssois, lui ont fait imaginer la réintroduction au sein de ce
nouveau système d’un scrutin à la proportionnelle qui retrouvait les mœurs de
la IVème République dont il avait été l’un des plus grands
bénéficiaires, et dont l’impuissance s’était définitivement révélée à
l’occasion de l’affaire algérienne.
Depuis lors, la diabolisation du Front National
savamment entretenue par la gauche et suivie passivement par la droite, leur a
permis à toutes deux de se maintenir au pouvoir, vaille que vaille.
Chirac a été élu en 2002 grâce aux voix
de la gauche, en raison de la frayeur que l’accès du Front National au pouvoir
a inspiré à ce moment au peuple français et à la gauche en particulier.
Il semblerait cependant aujourd’hui que
le piège se retourne contre ses instigateurs.
Certes, on éprouve toujours une
certaine crainte de ce dernier. Les effets de la diabolisation fonctionnent
toujours : on lui reproche son racisme anti-immigration, le rejet de la
mondialisation, celui de l’Europe, la défense de la langue française contre la
toute-puissance de celle du monde anglo-saxon, ainsi que son antisémitisme.
Cependant le peuple se rend compte
qu’il a été berné par les partis de gauche comme par les partis de droite car
le bilan que ceux-ci lui présentent est négatif.
L’élection qui se déroule actuellement
montre à quel point la France est devenue un authentique état policier entre
les mains d’une oligarchie qui n’a pas hésité à monter contre l’un des siens un
authentique traquenard, ce qui n’empêche pas celui-là même qui a fait l’objet
de cette persécution, de demander que l’on vote en faveur de son adversaire.
La boucle est bouclée. Le système est
définitivement clos.
Non content de livrer la France à
François Mitterrand, au nom de sa haine de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques
Chirac a contribué à la destruction de l’édifice gaullien.
Il faut rappeler que le premier
Président qui a commencé à détruire les fondements même de la Vème République
est Jacques Chirac en ramenant aux côtés de Lionel Jospin le mandat
présidentiel à cinq années.
Ce temps de sept ans était un chiffre
symbolique fondamental. Il était celui de la Royauté et de l’unité.
En face du machiavélisme de la gauche
mitterrandienne et du faux gaullisme chiraquien, le Front National montre aujourd’hui
un visage serein et apparait comme une victime des partis officiels. On peut
certes le considérer comme rétrograde. Encore faudrait-il se poser la question
de la modernité. Où celle-ci se situe-t-elle, dans une mondialisation qui
détruit nos petits commerces, nos campagnes et porte en même temps atteinte à
notre culture, ou au contraire dans la défense de notre âme ?
Pour savoir quelle est l’identité des
soutiens d’Emmanuel Macron, il faut s’attarder un instant sur l’un de ses plus
brillants supporters : Jacques Attali.
Pour connaître réellement cet individu,
il ne s’agit de nous rendre ni à polytechnique ni à l’ENA. Il faut lire
simplement les mémoires d’Elie Wiesel « Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est pas remplie ».
Dans ce livre admirable du grand écrivain de l’Holocauste, par ailleurs Prix
Nobel de la Paix, Elie Wiesel s’exprime à propos de ce dernier et dénonce
l’abus de confiance dont il a été lui-même l’objet de sa part à l’occasion de
son projet de publication de ses entretiens avec François Mitterrand.
Ce récit est édifiant et démontre de
manière très explicite la qualité des soutiens de Monsieur Macron.
La culture de ce dernier, ce sont
d’abord les chiffres. Il est inspecteur des finances. Le monde de Monsieur
Macron c’est celui des comptes, de la pure économie qui a laissé sur le côté
l’âme de son pays. Il n’évoque jamais la culture. Elle ne le concerne pas.
Monsieur Macron est le parfait technocrate,
l’homme qui a opéré une fantastique manipulation aidé de quelques fidèles.
D’abord conseiller de Hollande, puis ministre du même, puis Président contre
Hollande qui en fait l’a adoubé depuis le départ.
Quelle belle histoire, trop belle pour
être honnête ! LVMH se frotte déjà les mains. Les affaires vont reprendre.
D’ailleurs elles ne vont pas si mal que ça pour les maîtres de la
mondialisation !
Il est vrai qu’il sera difficile
d’échapper à celle-ci, de même qu’il sera difficile de se soustraire à
l’Europe. Il faudra cependant que nous restions possesseurs et maîtres de
nous-même et que nous continuions à préférer notre honneur et notre culture à
la toute-puissance du marché.
La véritable menace de l’Islam n’est
pas à aller chercher du côté de Daech ou autre émirat. Elle est d’abord en
nous. Ce n’est pas grâce à notre laïcité que nous pourrons vaincre, mais en
reprenant au contraire en charge nos langues dans leur diversité et nos
croyances.
Nous devons nous dire catholiques,
protestants, juifs et opposer un front uni à nos adversaires tirant sa
puissance de sa foi.
Marine Le Pen a été contrainte de
mettre de l’eau dans son vin. Elle s’est engagée à faire un referendum sur l’Europe.
C’est donc le peuple qui décidera.
En fait, ce qui est en cause ce n’est
pas l’Europe. Celle-ci est un rêve millénaire qui prend sa source dans l’unité
réalisée par l’Empire Romain ensuite par Charlemagne puis par Napoléon.
Ce qui est en débat c’est l’Europe
telle qu’elle se présente aujourd’hui, celle de Bruxelles, celle des
technocrates qui inventent un monde sans âme.
Le 7 mai, si Marine Le Pen est élu, on
aura peur car elle n’a pas d’expérience ministérielle et l’on se retrouvera
dans l’inconnu.
Si Emmanuel Macron est élu, on aura
doublement peur. Du côté de Marine Le Pen on ne sait pas ce qui se passera. Du
côté de Macron il ne pourra advenir que ce qui s’est passé depuis 30 ans. Il
est l’héritier direct de Hollande.
La vérité c’est que la droite a manqué
sa chance historique. Il incombait à Nicolas Sarkozy d’intégrer le Front National
comme François Mitterrand a intégré le parti communiste, et de créer un grand
parti de droite, libéral. Sans doute n’en a-t-il pas eu le temps en raison
précisément de l’attitude de Chirac qui a abrégé antérieurement le temps du
mandat présidentiel.
En tout cas il est passé à côté de
l’Histoire et celle-ci ne se présente jamais deux fois.
Comme Donald Trump en Amérique, Marine
Le Pen propose la France d’abord, contre le marché, la dé-régularisation et la
mondialisation.
Marine Le Pen se réfère continuellement
au général de Gaulle. Elle se présente comme l’authentique défenseur de la
France profonde face au bilan négatif des technocrates et de la ploutocratie.
Aujourd’hui de la même manière on voit
bien que les propositions des partis, candidats à la prochaine élection, sont
sans odeur et sans saveur. Ils n’offrent pas aux citoyens qu’ils méprisent, une
seule dose de spiritualité, de foi, d’art ou de poésie.
Ils ne leur offrent pas de lien.
L’arbre est sec. Il ne pourra produire aucun fruit.
Droite comme gauche sont incapables
d’apporter au peuple français ce dont il a besoin, le ressourcement à la
spiritualité que les Jacobins ont abattu en 1793, la résurrection de l’âme
française en même temps que celle de ses langues.
Il eut fallu rouvrir la plaie, opérée
par le Parricide, et laisser rejaillir les différentes spiritualités qui gisent
au plus profond de l’âme de la France.
Faute pour la Droite d’avoir été
capable d’opérer cette révolution en créant un grand parti de droite libérale
comprenant toutes ses composantes, y compris le Front National, le peuple
français aujourd’hui risque d’élire Marine Le Pen, ce qui créerait une
conflagration qui aurait le mérite cependant de mettre la France devant son
problème authentique, la reprise en compte de son identité pleine et entière,
refoulée depuis 1793.
Cette victoire de Marine Le Pen
contraindrait la gauche comme la droite à repenser complètement la politique
française et à remonter à la source de notre malheur.
EDOUARD VALDMAN