Edouard Valdman publiera prochainement un essai consacré à la laïcité : "La laïcité, ça suffit !".
Voici le texte de présentation.
La
laïcité à la française doit être remise en question. Dans le passé, elle n’a pu
empêcher ni l’affaire Dreyfus ni Vichy. De nos jours, elle est impuissante à
intégrer les minorités religieuses. Elle ne constitue pas un rempart suffisant
à la montée de l’intégrisme et de l’antisémitisme. Elle doit laisser place à
une laïcité « plurielle » à l’anglaise, qui préserve un espace
d’expression pour les différentes religions.
La laïcité en vigueur en France
éradique la part sacrée en l’Homme. Lorsque l’on porte atteinte au nom de
principes abstraits, à la question de Dieu, le totalitarisme a la tentation de
s’engouffrer dans cet espace vacant. C’est ce qui est advenu. Comme l’évoque
Hannah Arendt, « la notion d’Homme », au sens révolutionnaire du
terme, est une pure abstraction. On sait ce qu’est un bourgeois ou un
prolétaire. Un « Homme », on ne l’a jamais vu. C’est la raison pour
laquelle ces « Droits de l’Homme » ont été balayés si aisément par
Vichy. La laïcité ne débouche pas nécessairement sur le principe de tolérance
si souvent évoqué. Voltaire, ennemi acharné de l’obscurantisme religieux, était
violemment antisémite. Par ailleurs, le déficit symbolique induit par la
Révolution française, la mort du Roi, symbole de Dieu, du Père et de tout
principe d’autorité, ont débouché sur la Terreur et la dictature bonapartiste.
La toute-puissance de la Raison, issue de la philosophie des Lumières, a trouvé
un de ses prolongements dans les dictatures marxistes. Les Droits de l’Homme de
1791 ont certainement constitué un progrès. Mais ils ont débouché sur un vide
spirituel et un principe étroit de la laïcité qui ont montré leur impuissance
face aux extrémismes.
Au Royaume-Uni règne le principe de
tolérance multiculturelle. Il n’y a donc aucune restriction au port de signes
religieux à l’école ou dans l’espace public. L’idée était de faciliter ainsi
l’intégration des membres des anciennes colonies de l’empire. Aujourd’hui encore,
les Sikhs sont coiffés d’un turban et arborent parfois le poignard pour
accompagner leurs enfants à l’école ou faire leurs courses au supermarché. Il
existe un enseignement du christianisme et des principales religions pratiquées
dans le royaume. Enfin, le voile est autorisé dans les lieux publics, y
compris le voile intégral, même pour des filles mineures ! Faut-il aller
jusque-là ? Non, car le voile intégral est une aliénation, une atteinte à
la dignité humaine.
Mais
faut-il pour autant faire la sourde oreille à ceux qui expriment leur volonté
d’afficher publiquement leurs croyances ? Cette démarche n’est-elle pas finalement en
relation avec la liberté d’expression ? On pourrait d’ailleurs
considérer le port du voile islamique (non intégral), de la kippa juive, de la
croix chrétienne, du turban sikh comme l’expression d’identités précieuses à
l’heure de l‘uniformisation mondiale. Par ailleurs, et c’est le point le plus
important, l’exercice caché de la religion risque de renforcer le sentiment de
persécution dont se nourrissent les extrémismes. Au contraire, l’expression
pacifiée et publique des identités religieuses peut être un rempart contre la
montée des tensions interreligieuses. Enfin, reconnaître une part de
spiritualité en chacun de nous, pourrait être le meilleur vaccin contre
l’émergence de mystiques improbables. L’enseignement à l’école de l’histoire
des religions nous semble ainsi souhaitable.
Aujourd’hui, dans le cadre de la
construction de l’Europe et dans sa relation avec le Royaume-Uni ou les
Etats-Unis d’Amérique, pays religieux, la France apparaît vulnérable en raison
de son déficit symbolique, conséquence de la laïcité réductrice. Cette laïcité
a montré ses limites. Elle devrait évoluer vers une laïcité
« plurielle » qui intégrerait les différentes minorités religieuses.
Cela signifie bien sûr une plus grande permissivité sur les signes religieux
dans l’espace public, une plus grande tolérance à l’égard de coutumes,
pratiques, spécificités liées à la religion et, bien sûr, l’enseignement de
l’histoire des différentes religions à l’Ecole, assurée par des enseignants
publics ou non. Si ce principe renvoie à une référence, c’est à la Loi au sens
sinaïtique du terme (Les dix commandements) et au monde anglo-saxon fondé sur
la présence de Dieu.
La laïcité « plurielle »,
proche du modèle anglais sans ses excès, n’aurait pas pour seul effet d’apaiser
les tensions interreligieuses. Elle cicatriserait la plaie, celle du Parricide
de 1793, non pour amener la France à un retour au catholicisme mais à une
reprise en compte beaucoup plus vaste de la question du Père. Ce processus est
d’ordre psychanalytique.
Elle permettrait de faire rejaillir les
différentes spiritualités qui reposent au plus profond de l’âme de la France.
Edouard VALDMAN
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