vendredi 14 décembre 2018

LES « GILETS JAUNES » : REVOLTE OU REVOLUTION ?


En 2017, la gauche s’est effondrée à la suite d’un long processus de désintégration enclenché par François Mitterrand. Ce sont les errements et les ambiguïtés de ce dernier qui sont à l’origine de ce déclin. N’oublions pas qu’il s’est fait élire dans le cadre d’une constitution qu’il n’a eu de cesse de vilipender pendant 25 années.

La droite a fait de même à travers une guerre des chefs qui a bien montré son incapacité à assumer le pouvoir.

C’est en raison de cette impuissance et de cette mauvaise foi qu’Emmanuel Macron a été élu en s’appuyant sur une nouvelle majorité toute neuve et relativement innocente.

Son existence même représente la mauvaise conscience à la fois de la gauche et de la droite. Quant à son programme, ce sont les réformes que Juppé, Sarkozy, Villepin et autres n’ont jamais pu réaliser, en un mot une libéralisation de la société française afin de la rendre plus compétitive.

Il y eut un authentique sursaut, un vrai mouvement comprenant des citoyens de droite, des citoyens de gauche, prêts à agir au-delà des clivages traditionnels.


La seule réelle difficulté se produisit avec l’anathème portée contre François Fillon, au cours de l’élection. Que ce dernier ait agi maladroitement en embauchant femme et enfants comme attachés parlementaires, cela ne fait pas de doute. Cependant, la chasse à l’homme dont il a fait l’objet a dénoté un élément toujours présent, la toute-puissance de l’Etat face à la justice.

Le comportement du Parquet financier à l’encontre de François Fillon a montré qu’il n’y a pas en France d’indépendance de la justice. Celle-ci est totalement entre les mains du pouvoir politique.

Tant que la France n’aura pas coupé le cordon ombilical entre le Parquet et le pouvoir politique, il n’y aura pas de réelle liberté.

Il appartenait à François Fillon de dénoncer la traque dont il a fait l’objet et de bien montrer aux français, que s’il était élu, il romprait définitivement cet amarre.

Il a été incapable d’agir ainsi. Il n’avait pas l’intention d’opérer cette révolution. Si bien que son élection, en fin de compte, n’aurait rien apporté de décisif.

Aujourd’hui Emmanuel Macron se trouve devant le même problème. S’il le résout, si enfin le cordon ombilical entre la politique et la justice est rompu, il aura fait de la France un pays libre, et réussi sa Présidence.

Nous vivons, en effet depuis la Monarchie jusqu’à la Révolution, dans un régime autoritaire dont le lien entre la justice et la politique est le symbole, et dont l’affaire Fillon a été l’exemple le plus probant.

De nombreux gouvernements antérieurs de droite, ses sont prétendus libéraux et ont préconisé des réformes multiples. Aucun n’a réalisé ce que les anglais ont accompli au XVIIème siècle, rompre le lien entre la politique et la justice.

Une politique libérale n’est pas seulement celle qui laisse couler l’argent, mais celle plus essentielle, qui sépare justice et politique.

En dehors de cette réforme, il n’y a pas de liberté.

Emmanuel Macron en a entrepris de nombreuses. Elles sont les bienvenues. Cette dernière cependant en est la clé de voute. A ce jour elle n’est pas intervenue.


La France actuelle s’est construite sur un modèle socialisant venu de la Résistance et de la Libération. Elle possède la législation sociale la plus étendue et comme nécessairement la charge des impôts la plus importante.  La difficulté réside en ce que cette dernière et ce modèle sont difficiles à tenir, dans un monde de plus en plus concurrentiel, libéral et sauvage.

On ne peut plus vivre de la même manière dans un univers où la Chine et autres nations émergentes prennent davantage de poids.

Les français apparemment ne souhaitent pas ces réformes. Et pourtant, si l’on veut que les riches investissent et que l’économie devienne plus flexible, il faut bien sûr leur faciliter la tâche, d’où la suppression de l’ISF. On ne peut jouer sur tous les tableaux.

La France sent bien qu’elle doit changer de modèle social. Elle n’a plus les moyens de conserver l’ancien. Au moment de franchir le pont, elle se cabre.

Cependant Emmanuel Macron a été choisi par les français pour effectuer ces réformes. Il est légitime et compétent.

Quels que soient le bien fondé des revendications des gilets jaunes, ils ne présentent aucun caractère de légitimité. Leur mouvement est difficilement contrôlable. Il a certes la sympathie des français mais cela n’est sans doute pas suffisant pour assoir sa crédibilité.

Emmanuel Macron doit composer certes mais il ne doit pas céder sur l’essentiel de son programme. Ce serait se lancer dans une aventure dont on ne sait quel résultat elle pourrait nous réserver. Il est intolérable que des mouvements informels s’attaquent à la propriété des français et profanent les monuments les plus sacrés.

Le gouvernement ne peut pactiser avec un mouvement dont la seule œuvre à ce jour réside dans des imprécations et des destructions.

Il est probable qu’Emmanuel Macron agira en ce sens. La loi est de son côté. Il a du courage et de la volonté. Sans doute a-t-il sous-estimé la « grogne » dont les français sont par ailleurs coutumiers. En tout cas, il est nécessaire qu’il garde le cap.

Si le Président venait à douter de son bon droit, cela en serait fini d’une authentique espérance.


Il est deux éléments positifs dans ce que l’on peut appeler désormais sans crainte une révolution.

Tout d’abord les revendications évoquent une authentique souffrance dans la société. C’est elle qui s’est déjà exprimée à l’occasion des dernières élections et le rejet des partis traditionnels. C’est cette souffrance qui a fait élire Emmanuel Macron afin qu’une autre politique soit élaborée.

Le délai est court cependant pour qu’une vraie politique ait pu se nommer et porter des fruits.

Sans doute, Emmanuel Macron n’a-t-il pas pris l’exacte mesure de celle-ci et commis quelques maladresses. Pourtant son désir de changement parait authentique.

Il conviendrait aujourd’hui que le mouvement des gilets jaunes s’organise afin de former un vrai parti, à moins qu’il ne souhaite servir de point de repère à des groupes d’influence. En tout état de cause ces gilets jaunes pourraient constituer un mouvement apte à combler le vide dégagé lors des dernières élections.

L’autre côté positif est que ces manifestations ont permis de mettre au jour les casseurs et autres éléments dangereux de la société, ces organisations paramilitaires venues de la banlieue et qui souhaitent en découdre. Pour ceux-ci il n’est que la violence. C’est le pue qui suinte de la plaie.


Il serait par contre dangereux pour le gouvernement de permettre aux gilets jaunes de continuer à manifester les prochains samedis. Cela pourrait dégénérer et entrainer des drames de part et d’autre.

Il ne peut se permettre d’abandonner les commerçants français à la violence des casseurs, mais surtout dans le cas où il ne mettrait pas un terme à ces débordements, c’est dans la rue désormais qui se situerait le pouvoir. Le Président serait à ce moment décrédibilisé. On ne sait pas où cela pourrait nous mener.

S’il ne savait marquer cette limite, la France serait jetée dans une aventure dont on ne saurait prévoir la fin.

Si Emmanuel Macron était condamné à se retirer, le risque serait celui de l’anarchie.
Je ne pense pas quant à moi que son rôle soit terminé. La nation a placé sa confiance en lui ; il faut lui laisser du temps.

Il n’y a pas de solution de rechange. Personne ne peut aujourd’hui prétendre prendre sa place.


Cependant, la question essentielle réside en ceci : la France est l’héritière de la Royauté et de l’Eglise. Elle est sa fille ainée. La Révolution n’a pas changé la donne. Nous sommes passés du droit divin à la laïcité. Nous sommes toujours dans le sacré. 

La France doit décider si elle veut devenir davantage protestante donc plus pragmatique, et européenne ou au contraire, au risque de perdre beaucoup d’avantages  économiques, demeurer un pays en mal d’absolu, grand certes, mais comme peut l’être Don Quichotte dans un univers hostile qui aura choisi le progrès.

L’Histoire réserve beaucoup de surprises. Ce qu’on appelle le populisme est une manière de protéger l’espace du Tragique, au sens grec du terme, ce même espace que l’Europe avant la guerre avait perdu au bénéfice du marché.

C’est cet espace qu’Hitler de manière perverse, avait fait mine de vouloir sauvegarder face également au marxisme. Le contexte actuel est différent mais les équilibres demeurent toujours fragiles, et les choix toujours aussi délicats.

Edouard VALDMAN

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