mardi 17 novembre 2020

ELOGE DU CONFINEMENT

I/ Lorsque la catastrophe que constitue toute épidémie s’abat sur le monde, la première réaction est celle de la frayeur : frayeur de la mort d’abord.

On n’a plus le temps. Il faut s’empresser de vivre. On se remémore ce que l’on a manqué, les voyages remis à demain, les saisons dont on n’a pas profité assez intensément.

On se promet, dès que l’épidémie sera passée, d’être plus vigilant.

On s’aperçoit tout à coup que si l’on veut s’en aller sans regret, il faut d’abord avoir intensément vécu.

Ce qui est le plus douloureux peut-être : voir quelqu’un disparaitre que l’on aimait et qui n’a pas été heureux. D’où l’empressement à vivre, à faire le plein de sensations, à faire le plein d’amour.

Avons-nous suffisamment profité de la beauté de la nature ? L’immensité du monde, l’avons-nous suffisamment parcourue ? La beauté des corps, l’avons-nous suffisamment savourée ? L’infini de la connaissance, y a-t-on suffisamment goûté ?

En fait, le confinement devrait nous ramener à l’essentiel : voir le soleil se coucher splendidement, faire silence afin qu’en notre âme se précisent les plus merveilleuses mélodies.

Pour cela, il faut se retirer, laisser parler le grand silence. C’est là peut-être que l’infini se révèle le plus intensément et témoigne de sa présence.



II/ Le confinement c’est aussi le retrait : retrait en soi pour aller chercher tout au fond, la source.

Le discours ambiant nous invite à abandonner la dimension silencieuse à l’intérieur de nous pour nous joindre aux bavardages et aux divertissements. Ici tout à coup nous sommes contraints de nous retirer, de respecter la « clôture » chère aux religieux.

Le confinement nous restitue à nous-même. Nous étions dans la proximité et soudain nous découvrons un autre monde, notre monde.

Quelle aventure est plus glorieuse ? Il ne s’agit plus d’aller dans la lune ni dans les étoiles mais tout au fond de nous.

Les vraies relations nous sont rendues. Nous avons enfin une authentique confrontation avec la vie et avec la mort.

Ce qui est le plus difficile sans doute c’est d’affronter la solitude. Pourtant celle-ci peut être féconde. Faire en soi le silence, s’approcher enfin de ce que l’on est. Lire, augmenter sa connaissance, se laisser aller à son ivresse, agrandir le territoire de la pensée.

En tout cas le confinement peut constituer une chance, celle de prendre du recul et de maitriser des démarches de vie qui étaient en train de devenir folles.

Les craintes qui concernent l’économie sont légitimes. Il y aura de nombreuses faillites, beaucoup de désastres. Mais peut-être est-ce le prix à payer pour que notre terre redevienne davantage habitable ?



III/ Le confinement par ailleurs dissipe les illusions. Il ne nous rapproche pas de notre voisin. Au contraire, il semble démontrer davantage encore que nous ne pourrons jamais le rejoindre. Il creuse l’écart qui nous sépare de lui. Il nous oriente vers la lucidité. « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » René Char

Je suis séparé de ce dernier mais c’est cet écart qui nous fonde. Que je ne puisse communiquer avec lui n’implique en aucun cas qu’il soit mauvais ou que je sois moi-même déficient.

Cela signifie seulement qu’entre nous il est une séparation et que plus vaste est celle-ci, plus grande également la présence de l’indicible.

C’est dans cette impossibilité de communiquer que git peut être le signe le plus profond de la création. Nous sommes séparés. Accepter de laisser vivre cette séparation c’est la marque de la tolérance, du respect de l’autre. C’est la Loi qui nous y contraint, une Loi fondée sur l’Innommable.

 

IV/ La « distanciation » qui nous est imposée aujourd’hui rejoint étrangement cet écart métaphysique.

Et davantage encore, elle nous renvoie à un nouvel ordre du monde. Ne conviendrait-il pas de remettre à leur juste place les principes immémoriaux et d’abord la dimension du Père. Comment demander à un élève ou à un étudiant de respecter certains principes de vie si nous ne posons pas d’abord le support pour asseoir l’autorité.

L’espace qu’il s’agit de refonder, c’est celui du sacré. Sans ce dernier nous sombrons dans le culte de l’Homme et de sa toute puissance.

Depuis le début de la pandémie, pas un mot au sujet de Dieu. On se débrouille sans Lui. C’est lorsque nous aurons fait silence et redécouvert sa dimension que le virus disparaîtra sans doute comme il est venu.

Le vaccin ne nous parviendra que lorsque nous aurons la capacité intérieure de l’accueillir.

En fait, cette épidémie peut nous faire redécouvrir la dimension de la foi. « L’homme ne vit pas seulement de pain ! ».

Il s’agit de la découverte de l’Indicible, sous une forme que nous ne connaissons pas, au-delà de toute définition.

Quand ce travail aura été élaboré à l’intérieur de nous-mêmes quand nous serons ouverts à l’incommensurable, alors viendra la guérison.

Avant cette date il faudra tenter de comprendre. Il faudra aussi prier.

 

V/ Nous nous sommes donnés les moyens les plus extraordinaires pour conquérir la terre et le ciel.

Nous avons fait la preuve de notre génie.

Nous avons cru que nous étions devenus des dieux. Grave erreur ! Cela est arrivé souvent dans l’Histoire notamment avec Moïse et Pharaon.

Tout se joue toujours ici. L’homme veut-il être Dieu ou veut-il laisser à celui-ci la place qui lui revient ?

Le virus est au centre de cette question.

 

 
VI/ Désormais un homme peut se marier à un autre homme, une femme à une autre femme. Ils peuvent aussi faire fabriquer un enfant à la commande.

Le pouvoir de la création, c’est l’Homme désormais qui se l’est approprié.

Jusqu’à présent, Dieu seul intervenait. La Bible nous invitait à cette vision. Cela apparemment est clos. L’homme est le maitre du monde.

C’est à ce moment de son triomphe qu’arrive le Covid.

 

VII/ Sur le plan de l’art, c’est à New York que se situe la tragédie.

Marcel Duchamp, un artiste
 français, énonce une proposition qui va provoquer le monde entier « Tout est art ! ».

Ceci implique une autre conséquence. Tout le monde pourra devenir créateur.

Ce qui fondait la différence disparaissait soudain au profit du tout démocratique. C’est ainsi que Buren rejoint Picasso ou Léonard de Vinci sur les cimaises des musées.

Il s’agit d’un pari extrêmement risqué qui entraine l’humanité sur le chemin de la globalisation et de l’uniformisation.

L’élite désormais ne sera plus l’artiste au service du Prince. C’est le marché qui dira qui est l’artiste.

L’art désormais se fabriquera à la demande, comme l’homme.

 

VIII/ C’est ce moment que la femme choisit pour se révolter, ce moment où l’Homme a renoncé à sa qualité d’Homme au profit de la science et de la technique.

Ce qui fondait leur relation, c’était la différence. Désormais l’égalité en constitue deux êtres qui ne se rencontrent plus. L’indétermination enlève à la vie non seulement son charme, mais elle lui dérobe sons sens.

La différence crée le désir. Les violences conjugales naissent désormais de là, de cette confusion du rôle respectif de l’homme et de la femme au sein de la création.

 

IX/ Enfin, ce qui fait un autre charme de l’existence, c’est la diversité.

Certes, la race blanche a dominé l’Histoire depuis plusieurs siècles. Faire régner davantage de justice, ne signifie pas qu’il faille nier les races, mais bien plutôt les laisser s’épanouir dans toute leur diversité. Chacune a sa place dans la création. Chacune noue avec elle une relation spécifique. Abolir les races c’est à la fois une erreur de la pensée mais aussi un risque extrême.

C’est d’une certaine manière détruire la diversité du monde et vouloir, au nom de principes abstraits l’uniformisation.

 

X/ On aura compris que si l’on veut éloigner le virus il s’agit d’orienter le monde vers une autre direction, de remettre l’Indicible à la place qui lui revient. Il faut à nouveau louer et respecter. Il faut adorer.

Ce n’est que lorsque les Valeurs auront repris leur juste place que le vaccin nous parviendra et nous apportera à nouveau la joie de vivre.

Lorsque nous serons revenus à nous-mêmes, que nous aurons dépassé le culte de notre personne, lorsque que la puissance économique et politique ne sera plus le but ultime de notre société, alors là seulement nous serons délivrés du virus.

Il était un signe de notre déficit spirituel.

La mort ne pourra rien contre nous dans la mesure où nous aurons libéré en nous toutes les sources du bonheur.

 

Edouard VALDMAN

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