mardi 3 novembre 2020

Qu’est-ce que la liberté ?

Le blasphème doit-il vraiment être reconnu comme un droit ?

L’esprit de dérision à l’égard des croyances est-il vraiment le meilleur rempart contre le fanatisme et le terrorisme ? On peut en douter, à la lumière des événements récents.

J’avais écrit au moment où les caricatures du prophète Mahomet avaient été publiées par Charlie Hebdo un article à ce propos, qui a paru dans la Revue littéraire du Barreau de Paris.

J’énonçais qu’à mon sens il fallait respecter toute autre croyance. Nous n’apprécierions pas, sans doute, même si nous sommes indifférents, que soient moqués les symboles de notre civilisation, que ce soit le visage du Christ, celui de Moïse ou simplement celui de l’un de nos héros.

La démarche qui consiste à caricaturer le visage du prophète Mahomet n’est pas louable. Le blasphème ne peut constituer un droit. Il existe au contraire un devoir de respect envers toutes les croyances, ce qui ne doit pas empêcher de les critiquer dans leur fondement, d’une manière historique et scientifique.

Récemment, deux jeunes femmes, les femen, se sont introduites dans l’Eglise Notre-Dame à Paris, les seins nus. Aucune condamnation n’est intervenue.

La pente qui conduit de la caricature au mépris de l’autre est dangereuse. La désacralisation de la société a conduit au siècle précédent aux extrêmes les plus terrifiants.

 

Les Etats-Unis, mieux armés spirituellement

On a tort de mettre sur le même plan les attentats qui viennent d’advenir en France et ceux qui se sont déroulés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001.

Certes ils se ressemblent dans leur violence et leur mépris de la vie humaine. Le châtiment qu’ils prétendent infliger est à l’évidence sans commune mesure avec les faits qu’ils invoquent.

Cependant les pays où ils ont eu lieu sont différents : d’une part les Etats-Unis qui sont un pays religieux, protestant « In God we trust » « God bless America », d’autre part, la France une république laïque.

Cette nuance est d’un grand intérêt. Face à la menace islamiste, celle d’un système religieux poussé à ses extrêmes, les Etats-Unis sont en mesure d’opposer une autre foi, une autre religiosité.

La France n’en n’a pas les moyens. La République, la laïcité, les Droits de l’Homme issus eux-mêmes de la Révolution française ne sont pas à la mesure du défi.

Ils n’ont pu jadis empêcher ni l’affaire Dreyfus, ni Vichy. Ils ne pourront faire face au nouvel extrémisme. La laïcité est un concept négatif. Elle est un déni. Elle ne prend pas en compte l’homme dans son identité pleine et entière. Elle constitue un déficit symbolique.

Seule une « laïcité plurielle » peut faire face à l'intégrisme religieux, qui au-delà du « Parricide », commis par la Révolution, devrait permettre aux différentes spiritualités qui gisent au plus profond de l’âme de la France, de renaitre : le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme.

Le choix du gouvernement actuel va à l’encontre de tout cela. Il s’efforce d’éroder la spiritualité au profit de très dangereux erzatz qui conduisent à une indifférenciation et renforcent encore le déni, tels le mariage pour tous, le mépris de la famille, etc…

Seuls des symboles sacrés sont aujourd’hui nécessaires à côté des Lumières : notre foi millénaire, nos traditions.

C’est pourquoi le terrorisme qui nous frappe n’est que le visage inversé de la perte de nos valeurs. On pourra certes défiler, mais on ne résoudra rien. La seule opposition réelle à celui-ci est la reconquête de notre identité pleine et entière.

Un ancien premier ministre a récemment prononcé cette phrase « En France, il ne peut y avoir de spiritualité ». Il voulait dire sans doute, qu’il n’y avait place que pour la laïcité.

C’est cela la vraie Terreur. Et la réponse vient de lui être apportée, nette, claire, incontournable.

 

Une Europe spirituelle

Les problèmes ne pourront se résoudre que dans le cadre de l’Europe. L’Italie, l’Espagne et la Grèce sont des pays catholiques. L’Angleterre et l’Allemagne sont des pays protestants. Leur religiosité les rend davantage capables de résistance.

C’est l’Europe et sa spiritualité qui est la juste réponse à la barbarie. Non pas la France des seuls Droits de l’homme et des Lumières, mais l’Europe des cathédrales, celle de la Renaissance et celle de l’Habeas Corpus anglais, celle de l’authentique Liberté.

Il ne s’agit pas de passer outre aux Lumières, mais de les situer aux côtés des spiritualités qui reposent au plus profond de l’âme de l’Europe.

 

Un vide spirituel

Qui ne verra par ailleurs que les terroristes sont issus de nos banlieues, que la France a été incapable de les assimiler. La République, les Droits de l’Homme, la laïcité, ont été impuissants à les intégrer.

La jeunesse a besoin d’idéal. Hier ce fut la Résistance, puis les grandes utopies révolutionnaires. Aujourd’hui il n’y a rien.

Ce qui est le plus proche du terrorisme, c’est notre petite idéologie, nos petits conforts, nos petits avantages sociaux, notre médiocrité.

Bernanos disait que le plus grand danger n’était ni la haine, ni la violence, c’était la médiocrité. Aujourd’hui nous savons ce dont il parlait.

Les attentats tels ceux du 11 septembre aux Etats-Unis ou ceux contre Charlie Hebdo en France sont un signe. Ils mettent le doigt sur notre vide spirituel, le « grand vide » dont parlait il y a peu Norman Mailer.

 

Le terrorisme arabe

Le terrorisme arabe possède ses sources, ses raisons, ses explications.

L’histoire du monde arabe qui a été celle d’une grande civilisation s’est arrêtée soudain au XVIème siècle. Alors que l’Europe rencontrait l’Humanisme, la Réforme Protestante, la Science et le Progrès, celui-ci est demeuré figé dans son passé. Il n’a jamais connu la séparation de l’église et de l’état. Le statut de la femme n’a pas évolué. Progressivement il s’est enfermé dans la stagnation.

En 1918, l’Empire Ottoman s’effondre. Les « alliés » se jettent sur le Moyen Orient et le dépècent. Les arabes depuis ce jour vivent dans la nostalgie de la reconquête de leur unité.

En 1944, à son retour de Yalta, Roosevelt signe un traité avec le roi d’Arabie Saoudite à propos des immenses réserves de pétrole que contient son royaume.

D’un côté il les cède aux américains, et de l’autre ceux-ci s’engagent à protéger son système politique barbare. Les intérêts économiques ont primé.

C’est de ce contexte historique que sont issus Ben Laden et autres terroristes.

Que reste-t-il à ces peuples surexploités, sinon le désespoir et une idéologie extrême qui seule leur apparait comme la voie du salut.

Des mouvements récents comme ceux qui se sont déroulés en Egypte, en Lybie ou en Algérie doivent trouver une issue positive et permettre à ces pays d’entrer dans le monde moderne.

Ces révolutions toutefois ne peuvent advenir qu’à travers un changement radical dans leur mentalité, une révolution intérieure, l’intégration d’une nouvelle forme de tolérance, le changement du statut de la femme. C’est la condition indispensable à tout renouveau.

La sacralisation du Livre « le Coran » ne peut demeurer un dogme. Celui-ci doit être enfin questionné.

 

Qu’est-ce que la liberté ?

Est-elle seulement le culte d’une statue qui se trouve à New York à l’entrée de sa rade, qui a été créé par un sculpteur français, Bartoldi, et qui n’a empêché ni le trafic des esclaves, ni l’éradication de la race indienne ?

Est-elle celui d’une Révolution qui a détruit une classe sociale dans son entier, qui est à la source du premier génocide des temps modernes, le génocide vendéen, et a prétendu apporter au monde un nouveau rapport à l’esprit ?

Ces différentes relations à la liberté ont toutes été scellées par le sang de millions de victimes.

La liberté ne serait-elle pas une dimension proprement différente qui ferait appel en l’Homme à ce qu’il possède en lui de plus profond et de meilleur ?

Quand les juifs ont inventé la notion du « Saint », ils ont tenté d’affirmer qu’au centre de l’être se trouve un espace vide, celui de la Question de Dieu.

Rien ne pouvait le combler, aucune idéologie, aucune croyance.

Cet espace devait être laissé vacant. Il constituait par ailleurs le fondement de la relation à l’autre.

C’est parce que l’autre contient cette dimension sainte que je suis contraint de le respecter. Si bien que dans cette perspective, la liberté n’est plus à rechercher du côté de quelque idéologie que ce soit, mais bien plutôt à l’intérieur de nous-même dans une quête d’absolu.

C’est pourquoi il ne s’agit pas d’énoncer un droit au blasphème, mais bien plutôt un respect de toute autre croyance et de toute spiritualité.

En fait, l’idéologie française qui se targue d’une liberté qui lui permettrait d’ironiser et de moquer la croyance des autres constitue une forme dévoyée du nécessaire respect des autres.

On aura compris que la France doit revenir à ses sources religieuses, à celles de sa foi.

C’est à cette seule condition qu’elle pourra faire face à l’agression dont elle est victime aujourd’hui.

Les « caricatures » constituent le prétexte évident à un terrorisme qui cherche à justifier sa barbarie.

Il n’en reste pas moins qu’elle fait courir à notre société un risque considérable.

On ne peut pas dialoguer avec des terroristes, mais on peut par contre éviter leur folie. Persister et signer sous prétexte de liberté de pensée et d’écrire, est d’une extrême maladresse.

Elle n’est pas la voie que nous devons suivre. Seul le respect de l’autre peut fonder notre liberté.

 

On peut par ailleurs déplorer l’attitude de journalistes, de pseudos écrivains et d’éditeurs qui tentent de faire de l’argent avec le blasphème. Le scandale permet à quelques-uns de se faire connaitre, mais il risque d’entrainer la mort d’innocents qui se trouvent par hasard sur leur chemin.

On devrait aujourd’hui pouvoir attraire en justice ces provocateurs.

Il est évident que pour eux la liberté ne veut rien dire. Elle est avant tout le mépris de l’autre et de sa foi. 



Edouard Valdman, écrivain, auteur de La laïcité ça suffit ! Éd. Fons, Paris 2020

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