mardi 6 septembre 2022

LE RETOUR DU TRAGIQUE

C’est à la suite de deux guerres mondiales que les Etats-Unis ont réussi à s’implanter en Europe.


La grande crise de 1929 a sonné l’heure de son effondrement. Hitler a été le plus pur produit de celle-ci.

 

Ultérieurement, les Etats-Unis sont devenus la première puissance impériale du monde.

 

Ils semblent avoir avec l’Europe une relation privilégiée. Celle-ci, il est vrai, est à leur origine. Cela n’enlève rien à leur manière d’agir. Encore récemment on a vu comment Joe Biden a volé aux français l’affaire australienne. Il ne se s’est même pas excusé.

 

En fait, les Etats-Unis regardent le monde comme un supermarché avec l’ambition d’y faire les affaires les plus rentables.

 

La France et l’Allemagne gardent une autonomie de façade mais on y parle anglais, on y mange américain et on est friand des films d’Hollywood.

 

Les artistes français contemporains ont une valeur moitié moindre que les artistes américains à part peut-être Picasso et Nicolas de Staël, qui se sont imposés en Amérique avant la deuxième guerre mondiale.

 

 

 

En ce qui concerne la Russie, les Etats-Unis après l’effondrement du marxisme, croyaient la partie définitivement close. Ils l’ont traitée avec beaucoup de désinvolture et même un certain mépris.

 

On baignait dans la mondialisation, une prophétie pervertie dans laquelle se dissolvaient les différentes identités, tout cela sous couvert de progrès et de démocratie. Le monde avait triomphé du mal. Fukuyama criait victoire.

 

Tout à coup Poutine surgit comme un authentique cataclysme.

 

L’Iran, l’Iraq, la Syrie, tout cela c’étaient des petites guerres. Elles se déroulaient loin de l’Europe, à la périphérie.

 

Avec l’Ukraine on est au cœur de l’Europe. Par ailleurs, la Russie est un grand peuple, et bien plus, elle est une part de cette dernière.

 

Poutine, après avoir subi de nombreuses humiliations, ne souhaite pas que son pays devienne une colonie américaine. Or, sous le vocable de la liberté, l’Ukraine et autre partie de l’empire traditionnel russe ont fait joujou avec lui, en flirtant avec les Etats-Unis.

 

La Russie immémoriale, peut-elle se permettre de perdre l’Ukraine, et autres peuples slaves ?

 

Envisage-t-elle de disparaitre et d’installer à Kiev, son ancienne capitale spirituelle, un Mc Donald, ou autre emblème du marché américain ?

 

Tel est le problème qui se pose aujourd’hui.

 

 

 

Les Etats-Unis et l’Europe se meuvent dans un contexte, judéo chrétien. Au-delà de leur violence, ils se situent encore dans un monde gouverné par Dieu « In Good we trust ». Même si la guerre triomphe, elle le fait au nom des « Droits de l’Homme ».

 

Avec Poutine, c’est le retour de la toute-puissance de ce dernier, de l’au-delà du bien et du mal.

 

La Russie fait ressurgir le Tragique au sens grec du terme, c’est-à-dire l’Homme Dieu, la volonté de puissance, le culte du héros.

 

C’est Nietzsche contre la Bible.

 

Lors de la dernière conflagration mondiale, c’est un même jeu qui s’est déployé. La Prophétie à ce moment-là était représentée par le marxisme, le Tragique par Hitler. Il a fallu le dernier conflit pour rétablir l’équilibre entre ces deux dimensions.

 

 

 

L’Europe a fait erreur en s’engageant trop rapidement dans une confrontation avec la Russie. Il convenait quelle fut un intermédiaire, un lieu d’échanges et de solutions à ce conflit.

 

Il eut fallu qu’elle jouat son rôle d’ordre civilisationnel.

 

Le problème est qu’elle entend se construire sur les Lumières et la pure Raison, en refusant d’assumer son héritage religieux.

 

D’Athènes au christianisme, l’Europe pourtant est un espace métaphysique, C’est cette dimension qui peut lui permettre de s’élever au dessus des nations et de devenir un lieu de conciliation. C’est celle-ci qui peut l’autoriser à tenir la guerre à distance et de maintenir entre les Russes et les Ukrainiens, une passerelle d’un ordre autre.

 

C’est cette défaillance, qui aujourd’hui engage la Commnauté européenne dans une très dangeurese confrontation.

 

Qui pourrait aujourd’hui constituer  ce pont qu’elle s’est refusée à être, imaginant qu’elle allait faire son unité au travers de ce conflit.

 

 

 

Les sociétés, nations et civilisations vivent et meurent à l’intérieur d’une Histoire qui repose elle-même sur des structures stables.

 

La Grande Bretagne par exemple, n’a pas eu le même destin que la France, qui n’a pas connu celui de l’Espagne, qui n’a pas connu le même que la Suède. Ainsi des Etats-Unis eux-mêmes issus de l’émigration des colons européens huguenots. Bien que séparés de la mère patrie, ils sont demeurés des anglo-saxons « In Good we trust ».

 

Les russes appartiennent à un autre ordre. Ce sont des slaves. Leur Histoire est autre. Elle est constituée avant tout par la lutte contre les tartares et les mongols.

 

On voit bien aujourd’hui qu’au-delà de la Révolution marxiste ils sont demeurés très attachés à une certaine forme d’autorité.

 

Les chinois à leur tour qui ont vécu durant 2000 ans dans l’Empire du Milieu, subissent aujourd’hui une idéologie marxiste. Ils demeurent impénétrables. Bien que faisant partie du Conseil de sécurité des Nations Unies, ils sont étrangers à l’idéologie occidentale.

 

 

 

En fait les idéologies recouvrent des structures anciennes qui évoluent lentement.

 

La civilisation première risque de se réveiller et de détruire la couche idéologique nouvelle.

 

C’est la raison pour laquelle vouloir fragmenter la Russie est une démarche hasardeuse.

 

Certes l’Ukraine ou toute autre part de celle-ci ont droit à un destin propre.

 

Cependant comment séparer Kiev de la Russie alors qu’elle est sa première capitale spirituelle ?

 

C’est pourquoi la guerre qui se livre aujourd’hui est contre nature.

 

Elle est dommageable pour tous, sauf pour les Etats-Unis qui se sont toujours opposés à l’idée européenne et voient dans ce conflit l’ultime moyen pour empêcher l’Europe de se faire.

 

N’oublions pas enfin que nous sommes imprégnés de culture russe et que la Russie est part de notre héritage culturel et spirituel. Non seulement on ne peut pas séparer l’Ukraine de la Russie mais on ne peut pas séparer la Russie de l’Europe.

 

 

 

Dans un livre publié en 2017 « Le IIIème Temple », j’ai tenté de montrer que l’équilibre en Occident devait être trouvé dans l’union de trois puissances, le bloc américain d’abord, le bloc européen ensuite, le bloc russe enfin.

 

Ce dernier bloc est d’autant plus important que la Chine tente de le séduire et de l’attirer hors de l’Occident. Or ce bloc est partie de notre Histoire. Le Général de Gaulle disait, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ! ».

 

Nous avons baigné dans la culture russe. Nous avons été imprégnés par sa littérature, que ce soit Tolstoï, Tourgueniev, Dostoïevski, les Ballets Russes et Diaghilev, l’Hermitage.

 

 

 

Les bonnes âmes longtemps favorables à l’Union Soviétique voyaient bien que cela ne marchait pas mais personne ne s’attendait à ce qu’elle s’effondre aussi rapidement. Ce fut vraiment le dégel, comme un monde qui soudain s’écroulait, une montagne qui s’affaissait. Le monde du matérialisme historique avait duré cinquante ans, moins que ne l’avaient espéré les tenants de l’orthodoxie marxiste, que ce soient Althusser, Sartre ou Aragon, tous ceux qui imaginaient la pensée marxiste incontournable, en fait la majorité des intellectuels français.

 

Après l’effondrement de l’URSS, Poutine a cherché à reconstruire la Russie. On ne l’a pas aidé. Pourtant, décision notoire, il a réintroduit l’Eglise orthodoxe dans le monde russe, église qui avait été chassée par les soviets.

 

Ce changement était spectaculaire. Il était un signe. Poutine a été contraint de se tourner vers la Chine.

 

Et voilà qu’un homme reconstruit l’Empire. On espérait qu’il demeurerait dans les ruines. C’était l’intérêt de l’Occident et des Américains en particulier. Poutine rebâtit la Russie. Bien plus, il y intègre le religieux, l’orthodoxie, à la grande surprise des Occidentaux et surtout à la face des tenants de la laïcité. Quoi qu’il en soit, l’Occident engage immédiatement les hostilités au lieu de se concilier Poutine, européeen, chef d’une communauté, qui fut notre alliée lors de la dernière guerre mondiale. On l’isole et on l’oblige à se tourner vers la Chine ou d’autres pays du Tiers Monde. Manœuvre diplomatique erronée et absurde des États-Unis et de la France.

 

Il ne faut pas oublier que c’est nous qui avons importé en Russie l’horreur stalinienne. C’est nous qui avons fait de celle-ci l’Union soviétique. En effet la pensée marxiste est une pensée occidentale. Elle est née en Allemagne et Marx pensait lui-même que c’est dans ce pays que la révolution se produirait. Ce sont les Lumières et Jean-Jacques Rousseau qui sont à l’origine du stalinisme de même qu’elles ont enfanté le maoïsme. Tous deux sont l’œuvre de notre rationalité, mêlée au messianisme rousseauiste.

 

 

 

Dans la cathédrale Notre Dame récemment à Paris des Femen, se sont livrées à la violation de l’espace sacré. Il n’y eut aucune poursuite. Au contraire elles se sont retrouvées en effigie sur les nouveaux timbres : elles figurent désormais Marianne.

 

Vladimir Poutine a été confronté récemment au même problème. Les Pussy riots ont violé l’espace sacré d’une église russe. Elles ont fini en prison et ont été condamnées. En Tchétchénie, Poutine s’est montré inflexible. Il a fait la guerre au terrorisme. Ce pays risquait de faire sécession profitant de la faiblesse de la Russie renaissante. Les bonnes âmes se sont émues et comme nécessairement il a été traité d’assassin par des intellectuels français.

 

Poutine est conséquent. Il n’a aucune indulgence envers le terrorisme. Il nomme les différences. Il croit qu’il y a des codes, des traditions, une normalité.

 

Poutine tente de refonder la Russie sur ses valeurs immémoriales. Les jeux olympiques de Sotchi ont été pour lui une exceptionnelle opportunité, lui permettant de faire connaitre au monde sa volonté de rebâtir son pays. Le spectacle qu’il a donné, particulièrement somptueux, à l’occasion de ces jeux, a accru son influence dans le monde, et attiré en même temps l’envie. Il a par-là même annoncé le retour de la Russie sur l’échiquier mondial, en exposant à côté du sport les valeurs russes, la danse, la musique, la grande littérature.

 

Le fait de dévoiler au monde le visage de Soljenitsyne aux côtés de celui de Dostoïevski et de Tolstoï a été un très grand moment de télévision mondiale, et surtout un signe très important de la volonté de bâtir désormais une Russie plus tolérante.

 

Le succès russe aux jeux de Sotchi en ont été un autre.

 

L’Europe en mal de formation, ainsi que les États-Unis ont profité de ces jeux de Sotchi pour tenter de déstabiliser l’Ukraine. L’Occident craint le retour en force de la Russie sur la scène mondiale. De brillants intellectuels ont même suggéré de boycotter ces jeux.

 

Que l’Amérique, à cette occasion, evoque la démocratie, cela fait rire le monde qu’elle met par ailleurs sur écoute. Quand elle entre en Irak et détruit cette nation malgré les réticences de l’ONU, sans doute est-ce aussi cela la démocratie !

 

 

 

L’Amérique est en train de se dissoudre dans une globalisation qu’elle prétendait dominer jusqu’à ce jour. Elle tend à abolir les frontières entre les Nations, au profit des multinationales dont elle risque d’être prochainement la victime.

 

La Russie peut-être demain notre rempart contre une Chine trop puissante. En tout état de cause elle est un élément fondamental de l’équilibre mondial.

 

Les États-Unis se pensent toujours comme les dirigeants d’un monde unilatéral révolu. L’Europe laisse apparaître ses divisions. L’Allemagne et la Grande-Bretagne font bande à part.

 

En Ukraine, les partis sont eux-mêmes divisés entre les pro-européens et les pro-russes. Querelle stérile ! La solution : que l’Ukraine choisisse librement son destin, sans intervention aucune. Kiev demeure la capitale spirituelle de la Russie.

 

Les points essentiels de cette affaire : les équivoques de l’Europe en mal de formation, les provocations absurdes de l’Amérique, la volonté de Vladimir Poutine de reconstruire la Russie éternelle dont la puissance est indispensable à l’équilibre mondial.

 

 

 

La démocratie est incontestablement aujourd’hui en péril, et la société en décadence. Ce n’est plus le peuple qui vote et qui choisit ses représentants, ce sont les propriétaires des médias qui manipulent l’opinion.

 

Face à ces puissances considérables, que représente désormais la liberté ? Elle est un vain mot, comme le Livre. Ce dernier était référence au Livre sacré, notre ultime recours contre le Mal. Il suggérait un espace absolu.

 

Comment par ailleurs reconstruire une civilisation s’ il n’y a plus de valeur suprême ? L’intelligence est devenue artificielle. C’est le règne de la masse.

 

Le monde est désormais numérique. L’homme communique dans l’éphémère. Il n’y a plus d’authentique intériorité ni de questionnement.

 

 

 

Plus avant, les évènements actuels posent un problème essentiellement religieux.

 

Le Retour d’Israël pouvait laisser présager au moins pour ceux qui ont une lien spirituel avec la Loi et avec le Père, un monde davantage pacifié.

 

Il n’en est rien.

 

Le problème qui est posé à travers ce conflit, c’est celui du mal dans le monde.

 

Nous sommes confrontés à un nouvel échec de l’Homme.

 

Ce problème appartient à une autre dimension de la conscience humaine. Le conflit en Ukraine renvoie directement à celui de la transcendance et à la relation que l’on peut entretenir avec elle.

 

On est irrémédiablement ramené à une des plus belles pages de Dostoievski dans les frères Karamazov, lorsque le père et les fils se rendent au monastère et s’accusent les uns les autres “Mettez-vous à genoux!” Telle est l’injonction du moine.

 

C’est la même que prononce le Père Huvelvin face au Père de Foucald venu lui demander son aide spirituelle.

 

 

 

Je n’irais pas jusqu’à dire, comme Mme Soljienitsine, que l’Ukraine appartient à la Russie. Je dirais qu’elle possède un passé commun et que leur avenir doit se rencontrer.

 

Apparemment des espérences de paix pointent à l’horizon. Des céréales viennent d’être livrées aux pays les plus pauvres par l’Ukraine.

 

Seule cette dernière peut faire la paix avec la Russie. Seule la Russie peut faire la paix avec l’Ukraine.

 

Cette paix les concerne seuls. Personne ne doit s’en mêler.

 

La diplomatie mondiale a échoué devant cette paix. Elle est aussi notre avenir.

 

 

 

Il est des moments de l’Histoire ou les nations viennent à se heurter, ou le danger est grand d’une conflagration, faute d’un terrain d’entente et de conciliation.

 

C’est le cas actuellement dans le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie. D’un côté on note les erreurs de part et d’autres, celles des américains, celles des européens,  les fautes d’appréciation et les tentatives de déstabilisation de l’Ukraine.

 

Celle-ci est historiquement partie prenante de la Russie. Cependant, elle désire sa liberté, rompre avec un passé trop lourd marqué par le stalinisme.

 

Elle se veut européenne.

 

Poutine souhaite préserver l’empire russe, le reconstruire. Il défend une conception traditionnelle de la liberté.

 

Le même vertige saisit de nombreuses nations, y compris la France au moment où celle-ci tend à se fondre dans l’Europe. Elle craint de perdre son identité.

 

C’est à cet instant que l’on doit se référer à des principes très clairs.

 

On demandait un jour à Albert Camus si sous prétexte d’élargissement de la notion de liberté dans un avenir proche, on pouvait faire fi de cette dernière quelque temps. Et il répondait « On n’arrête pas le cœur de l’homme ! »

 

C’est ce qu’a fait Vladimir Poutine et c’est pourquoi son initiative est vouée à l’échec.

 

On ne peut empêcher le cœur de l’Ukraine, ni celui de la Russie, de battre un seul instant sous prétexte de protéger et de reconstruire un empire.

 

Quel que soit l’avenir, l’Ukraine et la Russie seront désormais séparées par un mur de haine et de sang.

 

On peut consolider un empire, par la terreur certes, mais il ne sera pas fondé sur la vérité.

 

D’ores et déjà il est condamné.

 

Edouard Valdman

Ecrivain

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